Le Mans Classic 2006
Le Mans Classic 2006 suivra, du 7 au 9 juillet, les traces de ses aînés et rassemblera à nouveau tous ceux désormais attachés à cet événement qui décline la voiture ancienne autour de ce nom magique, le Mans.
sommaire :
BMW 30 CSL de Calder
Gilles Bonnafous le 11/07/2006
L’idée de faire courir à nouveau l’une des Art Cars de BMW est née à l’occasion de la préparation du livre qu’Hervé Poulain a écrit, avec la complicité de la firme bavaroise, sur les machines de course qu’il a fait peindre dans les années 70 par quelques-uns des artistes les plus célèbres de l’époque. L’initiative en revient à BMW France avec l’appui de BMW A.G. à Munich.
Tout naturellement, le choix s’est porté sur la BMW 30 CSL de Calder. Parce qu’elle est la première de la série, et parce que, réalisée par l’artiste des mobiles, elle exprime idéalement l’art en mouvement cher au commissaire-priseur le plus rapide du monde.
La BMW 30 CSL d'origine BMW
La réplique présente au Mans Classic 2006 Gilles Bonnafous
Comme il était impossible de mettre sur la piste la BMW CSL originale, véritable pièce de musée, il fut décidé de réaliser une réplique avec l’autorisation de la Fondation Calder. Strictement identique, celle-ci est l’œuvre de Jean-Claude Bassot. Sous sa responsabilité, le moteur et le châssis ont été retravaillés et les pneus fabriqués spécialement par Dunlop — la seule petite différence concerne les élargisseurs d’ailes arrière. Quant au dessin, il a été fidèlement reproduit à main levée par un peintre japonais.
Le Mans Classic sera la seule course à laquelle la voiture participera. Car, afin de respecter l’esprit de l’œuvre unique, BMW s’est engagé à repeindre ensuite la CSL de manière conventionnelle, faisant ainsi disparaître la copie de l’œuvre de Calder. Une livrée éphémère qui ajoute au caractère exceptionnel de la présence de cette voiture au Mans Classic.
Gilles Bonnafous
Gilles Bonnafous
Interview d'Hervé Poulain
Motorlegend : Hervé Poulain, contez-nous la genèse des Art Cars.
Hervé Poulain : Vous le savez, je suis fou de beauté et de vitesse. J’ai eu l’idée d’associer ces deux passions en faisant peindre mes voitures par des maîtres de l’époque. Un peu comme si, au début du siècle, le propriétaire d’une Richard Brasier avait fait peindre sa voiture par Picasso ou Matisse. J’ai proposé le projet à BMW qui l’a accepté de suite. Je rappelle que l’époque vivait une autophobie liée à la crise pétrolière, laquelle avait entraîné l’annulation de nombreuses courses. Dans ce contexte difficile, j’ai souhaité faire un geste d’espoir. Le Mans appelait à cet élan, chaque année le cœur du monde y battait, un peu comme à Olympie tous les quatre ans.
Hervé Poulain Gilles Bonnafous
Motorlegend : Tout naturellement, le premier artiste que vous avez sollicité a été Calder, le créateur des mobiles.
Hervé Poulain : Calder est le premier à avoir introduit le mouvement dans la sculpture. De plus, j’ai trouvé que son travail correspondait bien à la fête populaire que représente Le Mans. Ses aplats de couleurs simples, rouge, bleu et jaune, représentaient bien cet aspect ludique. Par ailleurs, ma « Joconde à roulettes » était accessible au plus grand nombre, pas besoin d’être un spécialiste pour l’apprécier. Calder est venu au Mans, il m’a pris dans ses bras et m’a dit : « Hervé, gagne ! Mais va doucement… ».
Motorlegend : L’année suivante, vous avez fait appel à Frank Stella, un autre artiste américain.
Hervé Poulain : Stella a fait de l’anti Calder. Au contraire du dessin visuel et coloré de Calder, Stella a réalisé un travail conceptuel. Il a projeté sur la voiture un papier millimétré pour suggérer le travail des ingénieurs, la beauté mécanomorphe. Le troisième artiste a été l’un des maîtres du pop art, Roy Lichtenstein, qui a traité la symbolique des 24 Heures en dessinant sur les flancs deux soleils, au lever et au coucher. Et pour représenter la vitesse, une ligne d’autoroute courait sur les bas de caisse. Lichtenstein utilisait les trames d’imprimerie et les points (les « dots »), qui donnaient à la BMW une allure féline. Les gens avaient envie de lui caresser la croupe… La voiture fut présentée au Centre Pompidou, où l’artiste l’a signée.
Gilles Bonnafous
Gilles Bonnafous
Gilles Bonnafous
Gilles Bonnafous
Motorlegend : La dernière voiture a été confiée à Andy Warhol, qui vous a surpris.
Hervé Poulain : Je m’attendais à découvrir les motifs qui l’ont rendu célèbre — les portraits multiples de Marilyn, les boîtes de soupe, etc. Pas du tout. Il m’a fait une voiture gestuelle, avec des coulées de peinture. Elle a été la moins bien comprise de la série. Pourtant, elle est probablement celle qui ouvrait le plus sur l’avenir.
Motorlegend : Ces voitures n’étaient pas seulement des œuvres d’art. Elles ont démontré qu’elles savaient se tenir sur la piste.
Hervé Poulain : Nous avons prouvé qu’il ne s’agissait pas seulement d’un coup de communication. Avec la Calder, nous nous sommes qualifiés en huitième position aux essais, un exploit pour une Tourisme. En course, la voiture marchait très fort. Avant d’être immobilisée, elle était cinquième au scratch au milieu des Sports-prototypes ! J’ai même doublé Jean-Pierre Beltoise qui courait sur une Ligier. La Stella était très performante avec ses 750 ch. François Cevert fut le seul Français avant moi à avoir conduit une voiture aussi puissante. Mais elle a fait de tels caprices qu’elle a rendu l’âme avant que je puisse monter dedans ! Au volant de la Roy Lichtenstein, nous avons pris la neuvième place au scratch en 1977 et la deuxième en IMSA. Le meilleur résultat fut obtenu deux ans plus tard avec la M1 d’Andy Warhol, avec laquelle nous avons terminé sixièmes au général et deuxièmes en IMSA.
Gilles Bonnafous