Essai JAGUAR XFR-S
Loïc Bailliard le 16/09/2013
La Jaguar XFR-S prétend se frotter aux Mercedes E 63 AMG et autres BMW M5. Mais a-t-elle les épaules assez larges pour y arriver ?
L'étrange cas du Dr XF et de Mr R-S
Lorsqu'on appartient à l'aristocratie britannique, on ne s'attaque pas aux « bad boys » d'outre Rhin sans de sérieux arguments. C'est un fait : quand vos concurrentes directes se nomment Audi RS6, BMW M5, Porsche Panamera et Mercedes E63 AMG, venir non préparé revient à se lancer sur le Nürburgring sans plaquettes de freins.
550 ch, 680 Nm, 4,6 secondes de 0 à 100 km/h et 300 km/h : voilà les arguments qu'avance la Jaguar XFR-S pour affronter ses concurrentes germaniques.
Mais nous savons tous que l'alchimie mystérieuse qui opère lorsqu'on se trouve au volant de l'une des références allemandes ne se quantifie pas. Elle ne se résume pas en quelques chiffres alignés dans des colonnes, aussi impressionnants soient-ils. Non, ces engins doivent leur réputation à un caractère unique, à une sportivité absolue matinée de luxe. Elles doivent se sentir aussi à l'aise garées devant un grand hôtel que dans le paddock d'un circuit. En somme, elles revendiquent une forme de schizophrénie : Dr Jekyll d'un côté, Mr Hyde de l'autre. Alors, la très britannique Jaguar XFR-S peut-elle se faire une place dans ce cercle ultra-fermé ?
Ce rêve bleu
Autant le dire tout de suite, la Jaguar XFR-S de notre essai, dans sa teinte « French racing blue », ne passe pas inaperçue. Elle est véritablement très, très bleue. Mais si on ignore cette peinture particulièrement voyante, quoique superbe, ainsi que l'aileron ayant fait son apparition sur la malle, la berline britannique affiche une musculature plutôt discrète. Prises d'air, calandre béante, jupes latérales, spoiler et diffuseur en carbone, jantes de 20 pouces et quadruple sortie d'échappement trahissent tout de même les intentions de cette Jaguar XF, mais on conserve l'élégance moderne qui fait désormais office de signature pour les Jaguar. Clairement, la XFR-S ne dépareillera pas entre les mains d'un voiturier sur l'avenue Georges V.
L'intérieur mêle pour sa part les réussites et les fausses notes. Dans la première catégorie, on trouve tout d'abord les sièges en cuir surpiqué (de bleu, évidemment !) offrant un maintien parfait, une amplitude de réglages maximale (on peut aller jusqu'à resserrer les coussins latéraux des baquets) et un excellent confort général. Les touches de carbone et l'Alcantara omniprésent offrent un rappel visuel agréable de la sportivité de l'engin. Mais les plastiques durs de la console centrale, les assemblages un peu cheap, le système d'info-divertissement trop lent et confus ou encore l'étrange tissu façon « plastique imitation carbone » des contre portes viennent gâcher la fête. Une légère déception qui disparaît en quelques secondes.
Le réveil du monstre
Car notre doigt est irrésistiblement attiré par le bouton « Start » qui trône sur la console centrale. Celui-ci réveille le V8 de 5 litres à compresseur qui loge sous le capot, bien à l'abri d'un superbe couvre-moteur en carbone. Les 550 ch s'éveillent dans un grondement et quelques coups de gaz l'incitent à émettre des craquements monstrueux à l'échappement… Dans le siège conducteur, le pilote ne peut empêcher l'intégralité de ses poils de se dresser et un sourire de se former sur son visage. Ce V8 compresseur est une pièce d'orfèvrerie autant qu'une pièce de musée : plein fait, l'ordinateur de bord m'annonce une autonomie de… 360 km. Gloups.
Conduire un engin de ce genre, annonçant un tarif de base de 110 600 €, près de 5 mètres de long et pas loin de 2 mètres de large, dans la circulation parisienne ne laisse jamais totalement de marbre. Pourtant, la Jaguar se laisse manier du bout des doigts, se faufile entre les Twingo et glisse tranquillement en restant sous les 2 000 tr/min, bien aidée par la fabuleuse boîte automatique ZF à 8 rapports d'une transparence absolue. Étonnant.
Une fois le matériel chargé, nous grimpons sur l'autoroute en direction de Nevers, et plus particulièrement de Magny-Cours. L'insertion sur l'A6 est l'occasion d'une première accélération… et d'un premier saut sur les freins. Réveillez le monstre qui loge sous le capot au mauvais moment et vous passerez de bon citoyen à la case prison en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « flash ». Littéralement. A bord, les occupants restent silencieux quelques secondes, le temps de reprendre une respiration coupée par les 680 Nm de couple. Puis, c'est l'hilarité générale agrémentée de sourcils levés : « pfiouuuu ».
On calme donc le rythme et enclenche le régulateur de vitesse. Dès lors, on avale les kilomètres aussi facilement que dans la première classe d'un TGV. Silencieuse et confortable, la Jaguar XFR-S est une superbe machine à rouler.
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Big bad cat
Le lendemain matin, la journée débute sur la piste club de Magny-Cours dans un nuage de fumée. Toutes assistances coupées, la moindre sollicitation de l'accélérateur dessine de longues traînées noires sur le bitume et transforme la sage berline en machine à brûler de la gomme ! Le ton est donné : le docteur XF est retourné se coucher et a laissé sa place à Mister R-S !
Dans cet environnement libre de tout risque carcéral, la berline peut ainsi déchaîner sa fureur. Si les 300 km/h restent hors de portée sur ce petit circuit, ce sont les reprises qui impressionnent le plus. Avec ses montagnes de couple disponibles dès 2 500 tr/min, la XFR-S s'extrait des virages avec une aisance folle et impose de rester prudent tant que les roues ne sont pas droites, quelle que soit la vitesse enclenchée. Car même en troisième à 3 000 tours, un coup de gaz en courbe fera immanquablement décrocher le train arrière. Dès lors, deux solutions s'offrent au conducteur : soit il corrige et module afin de tirer le maximum de l'autobloquant pour signer un chrono, soit il y va franchement et utilise ce même autobloquant pour provoquer des dérives étonnamment faciles à contrôler.
Ce côté « hooligan » est particulièrement tentant, mais la piste chauffée à blanc par le soleil de juillet n'aide pas à préserver les pneumatiques... d'autant que la voiture doit encore nous ramener à Paris en fin de journée. Après quelques tours passés à regarder la trajectoire par les vitres latérales, on retrouve donc la raison et on adopte une conduite plus propre.
Dans ces conditions, la Jaguar XFR-S s'avère également fabuleuse. Elle demande en effet du doigté et de la finesse, exige de son conducteur qu'il se concentre et s'applique. Elle ne le prend jamais en traître, mais ne se laisse pas amadouer facilement pour autant. Résultat, on éprouve une satisfaction particulière lorsque l'on signe un tour propre, car il nous appartient véritablement. Il est le résultat de nos actions, et pas de celles d'une électronique dominant toujours plus les super-sportives. Sur piste, on constate à nouveau à quel point la boîte automatique est une merveille absolue. Il faut le dire et le répéter, telle que Jaguar (et BMW) la propose, cette ZF à 8 rapports est la meilleure transmission sur le marché à l'heure actuelle. Et pour couronner le tout on est baigné par les grognements fabuleux du V8 et enivré par des accélérations dignes de la NASA.
Bien sûr, tout n'est pas rose au pays des Jaguar bleues. On regrette notamment une direction manquant de retour et de ressenti, d'autant que la jante du volant se montre un peu trop large. Le freinage est quant à lui endurant mais pourrait profiter d'un peu plus de mordant. Et la consommation s'avère tout simplement gargantuesque, avec un plein presque entièrement englouti en à peine plus de 50 km de circuit.
Merci au Circuit de Magny-Cours pour son accueil. Deux pistes sont disponibles à la location : le tracé « Grand Prix », long de 4,41 km, et le tracé « Club » de 2,53 km.
Informations sur www.circuitmagnycours.com
À retenir
—
20
- Accélération
- Reprises
- Direction
- Agilité du châssis
- Position de conduite
- Commande de boîte
- Etagement de la boîte
- Adhérence
- Freinage
- Equipements de
sécurité
- Habitabilité
- Volume du coffre
- Visibilité
- Espaces de rangement
- Confort de suspension
- Confort des sièges
- Insonorisation
- Qualité (matériaux, assemblage, finitions)
- Rapport prix/prestations
- Tarif des options
- Consommation