Essai BUGATTI Chiron Super Sport
Cédric Pinatel le 30/08/2022
Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, c'est en roulant lentement dans une Chiron Super Sport capable d'atteindre 440 km/h que vous comprenez ce qui différencie les Bugatti des autres voitures d'exception.
1600 chevaux si bien élevés
Prendre le volant d'une voiture équipée d'un moteur à explosion de 1600 chevaux, en cette période où le parlement européen vient de voter l'interdiction de cette technologie pour 2035, ça vous rend tout chose. Surtout lorsque la voiture en question referme l'un des chapitres les plus fascinants de toute l'histoire de l'automobile, débuté avec la Bugatti Veyron au tout début du siècle. Conçue pour répondre à un cahier des charges impossible dressé par Ferdinand Piech, désireux d'assoir la domination technologique du groupe Volkswagen en commercialisant une voiture dépassant à la fois la barre des 1000 chevaux et des 400 km/h tout en restant facile à conduire, cette machine des records procurait des sensations très différentes de celles des Ferrari Enzo et autres supercars de la même époque. Alors que ces dernières ne visaient que l'efficacité dynamique absolue sur circuit, la lourde Bugatti se voulait beaucoup plus facile à utiliser malgré ses capacités mécaniques terrifiantes.
Arrivée en 2016, la Chiron de 1500 chevaux conserve les mêmes ingrédients mécaniques de base et le même esprit, avec une conception simplement améliorée par vingt ans de progrès technologiques. Comme sa devancière, elle a multiplié les versions avec une Chiron Sport à peine plus agile, puis une Chiron Super Sport 300+ forte de 100 chevaux supplémentaires et d'un aérodynamisme optimisé pour battre les records de vitesse. Celle-là même qui a réussi à atteindre 490 km/h en 2019 sur la piste d'Ehra Lessien, un chiffre jamais égalé depuis, même si Koenigsegg, Hennessey et SSC ambitionnent de faire encore mieux. Arrivée après la sortie en 2020 d'une Chiron Pur Sport aux réglages privilégiant l'efficacité absolue sur circuit, la Chiron Super Sport que nous essayons aujourd'hui représente la toute dernière version de la Chiron (en mettant de côté les modèles spéciaux comme la Divo ou la Centodieci) avant sa fin de carrière. En réalité, cette Chiron Super Sport ne diffère pas de la Chiron Super Sport 300+ sur le plan technique. Contrairement à cette dernière, elle autorise juste les clients à choisir les couleurs et autres finitions intérieures.
Une GT aux performances de supercar
La Super Sport que nous démarrons près du Château St Jean à Molsheim allie un blanc éclatant à un bel intérieur en cuir marron. Dès l'installation à bord, la Bugatti dévoile un univers très différent des quelques supercars capables de rivaliser au registre des performances (0 à 100 km/h en 2,4 secondes, 0 à 200 km/h en 5,8 secondes, vitesse de pointe limitée électroniquement à 440 km/h). Vous voyez l'habitacle minimaliste d'une Aston Martin Valkyrie ou d'une Mercedes-AMG One ? Et bien celui de l'Alsacienne ressemble plutôt à celui d'une Rolls-Royce de par la qualité extraordinaire de sa finition et les matériaux qui le composent. Quant à la vision périphérique, elle rappelle celle d'une Audi R8 avec très peu d'angles morts. Le grondement du W16 au réveil ne ressemble à aucun autre moteur du marché et une fois lancé, on oublie en quelques secondes le prix et la puissance de l'auto tant sa conduite se révèle facile. Rouler avec un seul doigt sur le volant à 130 km/h au régulateur sur l'autoroute dans une voiture de 1600 chevaux à 3,84 millions d'euros, sans transpirer davantage que dans une GT classique et dans un confort étonnant (malgré les ressorts arrière raidis de 7% par rapport à la Chiron normale), ça vous fait tourner la tête. Ecraser subitement la pédale de droite aussi : après un petit temps de latence, le bloc à seize cylindres de huit litres met ses quatre turbos en pression et le catapultage commence. Oups, vous voilà déjà à 250 km/h. On lève le pied et la bande sonore étrange et cacophonique laisse la place aux bruits de sifflement des soupapes de décharge. Allez, passons en mode Handling pour la pousser davantage à la faveur d'une petite route de campagne.
Tout est possible
Le pilote d'usine de Bugatti, Pierre-Henri Raphanel, nous explique que cette Super Sport est aussi plus efficace que la Chiron classique sur circuit grâce à ses 100 chevaux de plus et sa meilleure stabilité à haute vitesse. Dans les quelques virages alsaciens de notre parcours, elle dévoile en tout cas une direction rapide, une belle agilité générale et un groupe motopropulseur invitant à multiplier avec gourmandise les phases d'apnée en accélération ainsi que les très gros freinages. La motricité n'est jamais prise en défaut malgré les 1600 Nm de couple ! Hélas, il nous faudrait bien plus de temps de roulage et de meilleures conditions pour vraiment ressentir les différences dynamiques par rapport à la Chiron normale. Sur le grand Circuit Paul Ricard il y a trois ans, cette dernière m'avait déjà impressionné par ses mises en vitesse spectaculaires (356 km/h dans la grande ligne droite de Signes !) et sa belle neutralité comportementale malgré ses deux tonnes à sec. Pierre-Henri Raphanel me confie au passage qu'il a atteint récemment 370 km/h sur le circuit varois avant la courbe de Signes avec la Super Sport. S'il fallait en tout cas retenir une seule chose de l'expérience de conduite en Chiron Super Sport, ce serait clairement la même que sur les autres versions essayées précédemment : plus que les accélérations étourdissantes désormais battues par les nouvelles supercars électriques de 2000 chevaux comme la Rimac Nevera (marque qui détient désormais Bugatti), c'est la polyvalence hors du commun de cette voiture de sport capable de tout faire sans la moindre difficulté. Une supercar hors normes qui restera dans les livres d'histoire, dont les exemplaires prévus ont déjà tous été vendus. La Chiron sera remplacée d'ici 2025 par une nouvelle voiture de sport hybride débarrassée du gros W16, mais on a bien du mal à imaginer comment Rimac pourrait faire aussi fort que la Veyron et la Chiron en termes de pure maîtrise mécanique.
À retenir
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20
- Accélération
- Reprises
- Direction
- Agilité du châssis
- Position de conduite
- Commande de boîte
- Etagement de la boîte
- Adhérence
- Freinage
- Equipements de
sécurité
- Habitabilité
- Volume du coffre
- Visibilité
- Espaces de rangement
- Confort de suspension
- Confort des sièges
- Insonorisation
- Qualité (matériaux, assemblage, finitions)
- Rapport prix/prestations
- Tarif des options
- Consommation