24 Heures du Mans 2014
Quel constructeur aura le mieux intégré le nouveau règlement basé sur l'efficience énergétique ? Qui pourra rouler à la limite sans se faire pincer par les commissaires ? Quel système hybride va le mieux fonctionner ?
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Interview de Vincent Beaumesnil, Directeur des sports de l'ACO
Jean-François Destin le 12/06/2014
Directeur des sports de l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) et à ce titre l’un des pères du nouveau règlement 2014 basé sur l’efficience énergétique, Vincent Beaumesnil nous explique comment son staff technique surveille la consommation tour par tour des Audi R18 e-tron, des Toyota TS040 et des Porsche 919 Hybrid.
Motorlegend : Depuis l’introduction de ce nouveau règlement, rien n’a filtré sur le respect de l’allocation carburant accordée aux concurrents LMP1 H (ndlr : 3,95 litres de gazole par tour pour Audi et 4,79 litres d’essence pour Toyota et Porsche). A Silverstone et à Spa, personne n’a communiqué sur le sujet. Pourquoi ?
Vincent Beaumesnil : Parce que les trois constructeurs briguant la victoire ont bien travaillé. Ont-ils flirté avec la limite ou se sont t-ils contentés de se donner une marge pour éviter les mauvaises surprises ? Je n’ai pas la réponse mais quand on constate qu’ils roulent aussi vite, voire plus vite que l’an dernier en économisant 30% de carburant, l’objectif de cette règlementation est déjà atteint.
Motorlegend : Concrètement, comment les surveillez-vous ?
Vincent Beaumesnil : Les commissaires techniques dédiés sont installés devant des écrans au rez-de chaussée à l’extrémité des stands. La FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) a fait fabriquer des débitmètres spécifiques. Ils mesurent la quantité de carburant consommée. Ce sont des outils très précis intégrant des ultrasons. Des essais de 30 heures en continu ont montré leur fiabilité. Logés dans une trappe sur le côté de la voiture, ils peuvent être changés très rapidement en cas de panne. On en trouve deux chez Porsche et Toyota et trois chez Audi car sur le diesel, il y a un retour de gazole après la combustion et il faut la soustraire pour avoir une valeur exacte. Une fois cette donnée enregistrée, il faut la récupérer. On a donc développé avec Magnetti Marelli un système de télémétrie perfectionné dont on se sert aussi pour gérer la course, positionner les voitures et connaitre leur vitesse. En fait, tout un tas d’informations, dont la consommation. Un vrai « plus » car la voiture est littéralement connectée avec le législateur de la course. Ensuite, des logiciels ont été développés pour la surveillance de cette consommation. Evidemment, les commissaires techniques ne restent pas rivés en permanence à leur écran pendant l’épreuve. On dispose d’indicateurs visuels qui nous alertent en cas de dépassement. Comme vous le savez, les concurrents en excès sur un tour peuvent se rattraper les deux tours suivants.
Par ailleurs, si la télémétrie est momentanément défaillante, on peut récupérer les données sur une carte mémoire installée à bord. A chaque ravitaillement, elle est retirée et archivée et la voiture repart avec une carte vierge.
Motorlegend : Ces données sont-elles envoyées simultanément aux concurrents dans les stands ?
Vincent Beaumesnil : Chaque concurrent reçoit ses propres infos et évidemment pas celles des autres. Je précise qu’après chaque séance d’essai, nous avons d’excellentes relations avec les ingénieurs des marques et jusqu’ici tout fonctionne dans la plus grande transparence. A Silverstone comme à Spa, nous avons pu ainsi gérer tous les petits détails de communication entre nous.
Motorlegend : Pourquoi les concurrents sont-ils si discrets sur la façon dont le pilote surveille sa consommation à bord ?
Vincent Beaumesnil : Secret industriel, chacun a développé sa propre stratégie.
Motorlegend : Certains se demandent si lors d’un dépassement de carburant, le stand n’influe pas par télémétrie sur la cartographie moteur ou sur d’autres paramètres pour aider le pilote à rentrer dans le rang.
Vincent Beaumesnil : Non, ils ne peuvent pas faire du téléguidage car la voiture est auto gérée électroniquement et sa programmation suffit à faire des ajustements. D’ailleurs, en dépit d’orientations d’hybridation différentes, les trois marques font les mêmes chronos à la seconde près. La bagarre attendue est bien là. Pour notre satisfaction et celle des spectateurs.
Motorlegend : Grace à l’hybridation que favorise le nouveau règlement, les LMP1 se montrent plus vertueuses mais on ne fait des économies de carburant que sur 7 voitures. Et 56 sont au départ. N’y a-t-il pas lieu de concerner dans le futur les LMP2 et surtout les GT quand on connait la voracité à pleine charge au Mans d’une Ferrari 458 Italia ou d’une Aston Martin ?
Vincent Beaumesnil : Catégorie reine, le LMP1 s’adjuge l’innovation et l’évolution des technologies dont pourront profiter la voiture de série. On poursuit d’autres objectifs avec le GT et le LMP2. Un constructeur de voitures de sport comme Aston Martin par exemple est présent pour faire rêver sa clientèle et promouvoir ses autos. Quant au LMP2, les 24 Heures constituent une aubaine pour les équipes et les pilotes car les coûts sont sous contrôle et tout le monde peut gagner sans vraiment se ruiner.