24 Heures du Mans 2014
Quel constructeur aura le mieux intégré le nouveau règlement basé sur l'efficience énergétique ? Qui pourra rouler à la limite sans se faire pincer par les commissaires ? Quel système hybride va le mieux fonctionner ?
sommaire :
Interview de Bernard Ollivier, PDG d’Alpine
Jean-François Destin le 13/06/2014
Vainqueur de l’ELMS 2013 et auteur d’un podium récemment à Imola, l’écurie Signatech Alpine se retrouve pour la deuxième fois au départ des 24 Heures du Mans avec l’A450b confiée à l’équipage Chatin/Panciatici/Webb. L’an dernier, ce retour de la marque en endurance après 35 ans d’absence s’était soldé par un résultat mitigé (14ème au genéral et 8ème en LMP2). Alors que le partenariat Catheram/Alpine signé en 2012 battait son plein pour produire la nouvelle berlinette à l’horizon 2016, Bernard Ollivier, le charismatique PDG d’Alpine parlait de revenir en 2014 avec deux voitures, la compétition étant un passage obligé pour réussir le projet industriel. Aujourd’hui, tout a changé, Renault s’est séparé de Catheram en rachetant ses parts, Carlos Tavares, le très impliqué directeur pilote est parti chez PSA et pour des raisons obscures, Alpine n’a pas obtenu cette année deux engagements aux 24 Heures.
Entre deux séances d’essais, Bernard Ollivier a accepté de faire le point sur tous ces bouleversements.
Motorlegend.com
Motorlegend : Où en est Alpine aujourd’hui sur les plans industriel et compétition ?
Bernard Ollivier : La renaissance d’Alpine est un projet d’entreprise validé par Carlos Ghosn et annoncé en conférence de presse en présence d’Arnault Montebourg. Et un projet d’entreprise, on ne le lâche pas comme ça. Et ce n’est pas le départ d’un homme aussi important soit-il dans le projet qui peut le mettre en difficulté. C’est vrai que le projet a été monté dans une vision de coopération avec Catheram. A l’époque nous ne pouvions le réaliser seul pour des questions de rentabilité.
Motorlegend : Vous êtes seul aujourd’hui, donc il y a un problème.
Bernard Ollivier : Oui mais lorsque ce projet a été annoncé le 5 novembre 2012, on a vu l’impact dans les journaux, sur internet, dans les clubs et auprès de tous les fans d’Alpine tant en France qu’à l’étranger. Cet impact, on l’avait sous-estimé et aujourd’hui, nous nous pensons capable de le poursuivre seul. Mais il faut savoir que sans Catheram, on ne serait pas là à en parler aujourd’hui.
Motorlegend : L’engouement, la ferveur populaire ne génère pas de financement. Où allez vous trouver les ressources nécessaires ?
Bernard Ollivier : Déjà auprès des futurs clients. Une centaine d’entre eux nous ont déjà signé des chèques pour réserver la future Berlinette. Alors qu’ils ne savent rien sur le moteur et pas même le tarif exact. C’est annonciateur d’une attente extraordinaire.
Motorlegend : Mais soyons sérieux, ce n’est pas ces quelques chèques qui vont permettre de lancer la fabrication de la voiture dans l’usine de Dieppe et parallèlement de poursuivre l’engagement en compétition.
Bernard Ollivier: Bien sur, je ne vais pas vous cacher que seul, c’est moins rentable qu’à deux mais la voiture est quasiment finie. Tout le monde dans l’entreprise a envie de la voir rouler sur la route y compris notre président Carlos Ghosn. Donc on dispose du financement nécessaire.
Motorlegend : Au travers de tous ces événements, la commercialisation de la voiture a-t-elle été repoussée ?
Bernard Ollivier : Non, le lancement aura bien lieu en 2016. Le prix se situera autour des 50.000 €.
DPPI & REGOUBY
DPPI & REGOUBY
Motorlegend : Passons au sport et aux raisons de l’engagement de l’écurie Signatech Alpine en ELMS et aux 24 Heures du Mans. Pour vendre la future Berlinette, la présence de la marque en compétition est obligatoire ?
Bernard Ollivier : Bien entendu, Alpine a été créé par le sport et pour le sport. C’est le cas aussi de Porsche et Ferrari. Et tous les futurs clients n’attendent qu’une chose, c’est qu’on s’engage en compétition. Alpine a besoin de se nourrir de la course automobile. Et il faut qu’on gagne évidemment pour donner de la valeur à la marque. L’acheteur est même prêt à payer plus cher en cas de succès.
Motorlegend : Quels sont les objectifs sportifs cette année ?
Bernard Ollivier : Avant de vous répondre, il faut vous rappeler qu’Alpine a mis beaucoup de temps à gagner le classement général. Le premier engagement dans la Sarthe remonte à 1963 et il a fallu attendre 1978 pour l’emporter au plus haut niveau. Au total on a engagé 55 voitures d’usine pour en arriver là. On est parti petit, on a gagné en 1600, en 2l, à l’indice énergétique et à l’indice de performance, on est monté en régime progressivement. On fait un peu pareil aujourd’hui. Et je voudrais fait taire les critiques qui disent que notre LMP2 animée d’un moteur japonais n’est pas une Alpine. Lorsque Jean Rédélé a engagé sa première Alpine M63 au Mans, la moitié du châssis provenait de Lotus et la boite de vitesse était signéeVolkswagen. Aujourd’hui, nous travaillons de la même façon. Alpine n’a jamais été une marque très riche. Aujourd’hui c’est encore le cas, on traverse une crise et on crée une nouvelle voiture sans avoir encore de chiffre d’affaires. On serait évidemment satisfait de gagner à nouveau l’ELMS et faire quelque chose de bien au Mans. Et est-ce anormal de profiter de l’Alliance en utilisant un V8 Nissan pour notre A450b ? Je dis non. Les premiers essais sont encourageants (ndlr : l’Alpine Signatech N°36 troisième temps en LMP2 partira en 14 ème position sur la grille de départ) et nous avons trois bons pilotes.
Motorlegend : Pourquoi, comme prévu, n’avez-vous pas engagé deux Alpine au Mans cette année ?
Bernard Ollivier : Nous en avons inscrit deux. La première était invitée d’office après notre victoire en ELMS en 2013. Et nous comptions sur un deuxième engagement qui nous a été refusé par l’ACO au motif qu’il y avait trop de demandes à satisfaire. Une attitude incompréhensible vis-à-vis d’une écurie française.