Samuel Morand le 27/04/2020
Lorsque Ferdinand Karl Piëch présenta pour la première fois le projet Veyron durant l'année 2000, l'ingénieur autrichien avança des chiffres et promit un véhicule à nul autre pareil. Un modèle qui serait notamment doté d'une cavalerie supérieure à 1 000 ch (du jamais vu pour un véhicule de série), et capable de filer à plus de 400 km/h en vitesse de pointe.
Cinq ans plus tard, à quelques mois de son lancement en production, la Bugatti Veyron 16.4 est envoyée en piste pour valider les performances que l'on attend d'elle. Nous sommes le 19 avril 2005, sur la piste d'Ehra-Lessien, en Allemagne, et le « TÜV Süd » est présent avec ses instruments de mesure pour enregistrer les performances de la Veyron 16.4 confiée à Uwe Novacki, le pilote d'essai de Bugatti. Novacki, 56 ans, est un habitué des lieux. Il évolue régulièrement au volant de modèles sportifs développés par d'autres constructeurs, sur ce tracé de neuf kilomètres constitué de trois larges voies.
La Bugatti Veyron est animée par un bloc W16 8.0 litres équipé de quatre turbo, qui développe une puissance de 1 001 ch et 1 250 Nm et la propulse de 0 à 100 km/h en 2.5 secondes, de 0 à 200 km/h en 7.3 secondes, et lui permet d'atteindre la vitesse de 300 km/h (départ arrêté) en seulement 16.7 secondes. Du jamais vu à l'époque. Restait à savoir quelle vitesse l'Hypercar de Molsheim pourrait atteindre en vitesse de pointe.
Avant de se lancer en piste Uwe Novacki active la deuxième clé de la Veyron 16.4, baptisée « Speed Key », qui lui permettra de passer en mode Topspeed et d'atteindre ainsi sa vitesse maximale. En plus de son impressionnante cavalerie, la Veyron 16.4 dispose en effet d'une aérodynamique active qui transforme son enveloppe extérieure dès 220 km/h grâce à un système hydraulique permettant au châssis de s'abaisser, de modifier de deux degrés l'inclinaison de l'aileron arrière et de fermer les clapets de diffusion pour réduire la résistance à l'air.
Après un premier essai infructueux conclut sur une vitesse maximale de 380 km/h, Uwe Novacki reprend la piste et modifie sa conduite pour profiter pleinement des conditions offertes par le tracé allemand, composé de grandes courbes suivies de longues lignes droites.
« Le véhicule était très silencieux, très bien réglé et j'ai tout de suite senti que le moteur pouvait libérer une incroyable puissance », explique Uwe Novacki, qui se remémore aujourd'hui ces instants. « J'ai testé peu à peu quelle était la bonne plage de vitesse. Au premier tour, j'ai roulé à 230 km/h dans le virage relevé, ce qui était trop rapide et le véhicule est devenu nerveux. J'ai pris la deuxième courbe à 220 km/h et le véhicule était plus stable. Avant la sortie du virage, j'ai pleinement accéléré pour faire vrombir les 1 001 ch de la Veyron. J'étais sidéré de voir comment le véhicule est resté stable, impassible et sûr à 400 km/h ».
Les instruments de mesure de l'organisme de certification allemand TÜV Süd, enregistrent les passages de la Veyron dans les deux sens, et les résultats tombent. L'Hypercar de Molsheim franchit à plusieurs reprises la vitesse de 408 km/h, mais la vitesse figurant sur la carte grise du véhicule sera finalement de 407 km/h. L'objectif est atteint. « C'était un sentiment extraordinaire d'avoir été là pour cet exploit », confie encore Uwe Novacki.
La performance d'Uwe Novacki et de la Veyron 16.4 ouvrira la voie à d'autres records signés Bugatti. La version optimisée de la Veyron 16.4, le modèle Super Sport doté d'une cavalerie de 1 200 ch, sera piloté en 2010 par Pierre-Henri Raphanel à la vitesse de 431 km/h, puis en avril 2013 la déclinaison Grand Sport Vitesse de la Veyron s'adjugera le record de vitesse pour un modèle roadster homologué pour la route (à 408.84 km/h). Plus récemment, la Chiron Super Sport 300+ a enfin placé la barre très haute en atteignant toujours sur la piste d'Ehra-Lessien, la vitesse de 304.773 mph (490.484 km/h).
« C'est encore aujourd'hui un exploit incroyable pour Bugatti », confirme Stephan Winkelmann, le président de Bugatti. « En étant la première marque à dépasser les 300 miles à l'heure, Bugatti inscrit une fois de plus inscrit son nom dans les livres d'histoire ».
Si Stephan Winkelmann a depuis confirmé que le constructeur avait définitivement tourné la page des records de vitesse, l'histoire et l'image de Bugatti demeureront quoi qu'il arrive associées à ces performances hors normes.
Photo : la Bugatti Veyron 16.4 à Ehra-Lessien - Crédit : Bugatti