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Dieselgate : la justice française a un temps de retard
Cédric Morançais le 11/06/2021
C'était en septembre 2015. Alors que le salon de Francfort venait d'ouvrir ses portes, le géant Volkswagen était accusé d'avoir délibérément utilisé un logiciel qui permettait de satisfaire aux normes anti-pollution lors des tests d'homologation... mais pas du tout en dehors de ce contexte. S'en est suivi l'un des plus grands scandales de l'industrie automobile, peu de constructeurs ayant, au fil des investigations, été épargnés.
En France, Ségolène Royal, alors Ministre de l'Environnement, décide de mettre en place une commission technique. Celle-ci est chargée de mesurer les émissions polluantes de 52 voitures Diesel alors en cours de commercialisation. Un rapport est ainsi publié au printemps 2016, qui conclut à l'absence de preuve de tricherie de la part des marques dont les autos ont été mesurée. A ce moment-là, cette commission, pourtant annoncée à grands renforts de communication, semble avoir accouché d'une souris. Et plus personne, ou presque, ne parle alors de son rapport. Jusqu'à il y a quelques jours...
Mardi dernier, 8 juin, Renault publie un communiqué dans le lequel il indique avoir été mis en examen pour faits de tromperie. Cette mise en examen fait suite à l'ouverture d'une information judiciaire ouverte début 2017. Des délais qui doivent faire rire les justices allemandes et états-uniennes qui se targuent d'avoir trouvé un accord, financier, avec les groupes incriminés quelques mois seulement après le scandale. Le Losange nie avoir commis la moindre infraction, précisant que ses modèles ont toujours été homologués conformément aux normes en vigueur à date et que si les dispositifs de dépollution de ses dCi étaient désactivés lors de certaines phases d'utilisation, c'était toujours dans le cadre établi par la procédure d'homologation.
Le lendemain, c'est le groupe Volkswagen qui rendait publique sa mise en examen. La défense du géant allemand est différente puisque cela fait bien longtemps que celui-ci a reconnu avoir triché. Toutefois, selon l'avocat français du groupe, « la procédure contre Volkswagen AG s'est achevée en Allemagne en 2018 avec le paiement d'une amende d'un milliard d'euros pour des faits allégués identiques, ce incluant les véhicules commercialisés en France ». En d'autres termes, le constructeur semble considérer qu'il a déjà été puni et que la justice hexagonale arrive après la bataille. Un recours contestant l'analyse des juges français a d'ailleurs été devant la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris.
L'histoire se poursuit hier avec l'officialisation, par Automobiles Peugeot S.A., de sa mise en examen pour les mêmes faits. Peugeot, comme Renault et le groupe Volkswagen, a dû cautionner plusieurs millions d'euros pour couvrir les éventuels et futurs frais de procédures et indemnisations. Si les sommes demandées peuvent paraitre minimes pour des entreprises telles que des constructeurs automobiles (10 à 80 millions d'euros), elles peuvent handicaper cette industrie, actuellement confrontée à une grave crise des ventes, au problème d'approvisionnement en semi-conducteurs qui ralentit leur rythme de production et aux lourds investissements nécessaires à la préparation des normes anti-pollution Euro 7. Citroën a également confirmé être concerné.
Rappelons tout de même qu'en droit français, une mise en examen ne remet pas en cause, loin s'en faut, la présomption d'innocence mais qu'il s'agit surtout d'une procédure permettant à la personne, morale ou physique, mise en cause d'avoir accès au dossier.
Il faut s'attendre à ce que d'autres constructeurs annoncent, dans les prochains jours, avoir été mis en examen par la justice française pour les mêmes faits. Les marques de l'ex-groupe FCA seraient sur cette « liste ».