Histoire : Facel avant Vega

Créée par Jean Daninos à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la société Facel (Forges et Ateliers de Construction d’Eure-et-Loir) se consacre d’abord à la fabrication de pièces de carrosserie pour l’aviation. Mais le déclenchement des hostilités oblige bientôt l’entreprise à la diversification. A partir de 1941, Facel construit sous licence BBK un gazogène à bois qui se taille rapidement une solide réputation. La firme de Jean Daninos devient la première marque française de gazogènes — le constructeur Imbert étant allemand (malgré son nom). Pour la zone non occupée, une direction commerciale est installée à Lyon. Jacques Poch, le futur importateur de marques allemandes et des pays de l’Est, entre alors en contact avec Serge Magne, le directeur de Facel (Jean Daninos s’est exilé aux Etats-Unis), qui lui cède l’exclusivité de la distribution du gazogène en zone occupée.

La paix retrouvée, Panhard et l'Aluminium Français étudient avec Facel-Métallon (suite à la fusion des deux sociétés en 1945) la construction de la Dyna. C’est Facel qui construira pour Panhard la carrosserie en aluminium de la voiture (particulièrement légère puisque ne dépassant pas les 550 kilos). A partir de 1947, ce sont environ 45 000 carrosseries qui sortiront des ateliers Facel jusqu’au remplacement du modèle en 1954 — la Dyna 54 sera carrossée par Chausson. Entre temps, Panhard, souhaitant moderniser le style de sa voiture avant que ne déclinent les ventes, avait demandé à Facel de réaliser un prototype. Réalisée en 1951, cette Dyna restylée présentait une face avant mise au goût du jour dans le style ponton. Mais cette proposition ne sera pas retenue.

En 1948, Facel-Métallon crée, dans son usine de Courbevoie, un département automobile spécialisé dans la fabrication de carrosseries de luxe pour modèles dérivés de la grande série (ultérieurement l'augmentation de la production nécessitera la construction d’une nouvelle usine à Amboise). Car l’entreprise vient de s’engager dans une collaboration avec Simca qui se révélera des plus fructueuses. Il s’agit de réaliser la carrosserie de la Simca 8 Sport, un très élégant cabriolet qui entrera en production en 1950 et sera disponible également en coupé. Ce sera le début d’une longue lignée de modèles au look sportif bientôt dérivés de la Simca 9 Aronde (à partir de 1952). Naîtront ainsi le Coupé de Ville et le cabriolet Week-End, puis le coupé Plein Ciel et le cabriolet Océane. Jusqu’en 1961, ce sont environ 23 500 « Simca Sport » qui seront construites chez Facel.

Impressionné par la qualité de fabrication des Simca de Facel, Ford France s’adresse à Jean Daninos pour réaliser un coupé haut de gamme baptisé Comète et conçu sur la base de la Vedette. Bien que motorisée par le platonique V8 Ford, cette superbe voiture apparaît en 1951 comme l’un des rares modèles de luxe proposés par l’industrie automobile française. Malgré sa ligne séduisante, sa finition soignée et la souplesse de son moteur, la Comète est handicapée par ses maigres performances (66 ch et 130 km/h), sa consommation excessive et son prix trop élevé. Sa diffusion sera limitée et la cadence de production ne dépassera pas les quatre unités par jour.

En 1954, la Comète est épaulée par la Monte-Carlo, une version plus puissante dotée du V8 Ford américain de quatre litres équipant la Vendôme — mais porté à 105 ch. Les performances de la voiture sont nettement améliorées (150 km/h), sans parler de l’excellente boîte de vitesses à quatre rapports synchronisés fournie par Pont-à-Mousson. Le style de la Comète influencera l’étude d’un prototype réalisé par Facel à la demande de Ford pour remplacer la Vedette. Le projet de cette berline au style nettement plus sobre que la future Versailles restera sans suite.

Dans un genre moins prestigieux mais industriellement tout aussi intéressant, Facel construit la caisse de la Jeep Delahaye VLR, ainsi que des éléments de carrosserie pour Piaggio (scooter Vespa et voiturette Vespa 400). La firme fabrique également des cabines de camions (Delahaye et Somua) et des pièces de carrosserie de tracteurs pour Massey-Ferguson.

Enfin, on gardera pour la bonne bouche la petite série de Bentley Cresta réalisée par Facel sur la base de la Bentley Mk VI. 17 exemplaires seulement seront construits (et diffusés par la Franco-Britannic) de cette voiture de grand luxe à hautes performances. Quant à l’unique coupé Bentley 4,5 litres fabriqué en 1951 par Jean Daninos pour son usage personnel, il annonce par son style la première Facel Véga.