Tour Auto 2002
S'il demeure un exceptionnel musée automobile roulant, le Tour Auto devient chaque année une course de plus en plus pointue.
sommaire :
DELAHAYE 148 Antem
Gilles Bonnafous le 16/04/2002
G.Bonnafous
G.Bonnafous
Non, il ne s'agit pas de l'une des premières Ferrari, comme on pourrait le croire à distance. Cette superbe carrosserie, dont le style trahit l'influence du design italien de l'après-guerre, cache un châssis Delahaye. Cache, le mot est juste, tant l'histoire de cette machine apparaît aussi riche que complexe, voire insolite.
Véhicule la plus ancien engagé dans le Tour Auto 2002, cette Delahaye Type 148 est une voiture exceptionnelle. En réalité, elle est unique, puisque carrossée en un seul exemplaire par Antem en 1948. C'est sur cette machine étonnante qu'Yves Menuteau, associé à Cécile Mandel, a choisi de s'aligner cette année au Tour Auto - la Delahaye était inscrite en régularité.
Fidèle de l'épreuve, Yves Menuteau en est à son dixième Tour Auto. On l'a vu ces dernières années au volant de son Aston Martin DB 2/4, et en remontant plus avant aux commandes d'une Porsche 911 RS. A l'époque, il s'engageait en catégorie compétition, quand cette dernière était encore abordable. Période où les camions-ateliers des participants ne suivaient pas les voitures avec leurs équipes de mécaniciens…
Les circonstances dans lesquelles Yves Menuteau a fait l'acquisition de sa Delahaye 148 ne sont moins insolites que l'historique tourmenté de la voiture. L'achat s'est fait sur un coup de foudre, " une vraie histoire d'amour ", s'amuse-t-il. Alors qu'il se trouvait à Saint-Tropez, terme de la Coupe des Alpes à laquelle il participait, il a enchéri par téléphone lors de la vente Poulain de juin 2001. Ce qu'il ignorait, c'est que ses amis du Club Delahaye, dont il est membre, " montaient " sur lui dans la salle ! Il a acquis la Delahaye sans la voir, uniquement sur les photos du catalogue. " Sur les clichés, la voiture était magnifique, j'en suis tombé amoureux ! ".
G.Bonnafous
G.Bonnafous
A l'origine, cette Delahaye était un Type 135 de course construit par l'usine en 1935. Elle fut alignée au rallye de Monte-Carlo de 1936 et courut notamment à Montlhéry, Miramas et Reims. De 1945 à 1948, elle participa aux premières courses de l'après-guerre, avant de recevoir la carrosserie Antem. Jeanine Molinié, la fille de Jean Antem, a certifié que la voiture était bien sortie des ateliers de son père. Sous cette nouvelle robe, la Delahaye prend part en 1952 aux Coupes d'Automne à Montlhéry, où elle termine à la deuxième place. Plusieurs fois revendue, elle est acquise en 1966 par Gino Terzulli, qui découvre la spécificité de cette Delahaye dotée d'un châssis de course. Beaucoup plus tard, il décidera de redonner à ce dernier sa carrosserie de compétition.
C'est ainsi qu'en 1979, la carrosserie Antem est démontée, avant d'habiller neuf ans plus tard un châssis de Delahaye 148 L. La transformation ne durera pas moins de trois ans - l'empattement sera notamment raccourci pour faire correspondre le châssis aux cotes de la carrosserie. Le moteur est un type 135 M, six cylindres de 3,5 litres à trois carburateurs, qui développe de l'ordre de 120 ch. " Il est nerveux et très agréable avec sa boîte électromagnétique Cotal ", précise Yves Menuteau, qui, toutefois, aurait aimé le remplacer par un 135 MS plus performant. Il n'a pu le faire par manque de temps. Notons que malgré ses capots en aluminium, la voiture accuse tout de même 1600 kilos sur la bascule.
G.Bonnafous
G.Bonnafous
Dans ce qu'il appelle sa " pochette surprise ", Yves Menuteau a découvert de nombreux éléments à reprendre. En vérité, la voiture a passé l'hiver dernier en restauration. Toute la mécanique a été refaite : moteur, carburation, suspensions, freins, etc. Il a fallu s'y reprendre à trois reprises pour réussir le calage de la distribution, les repères étant faux. La veille du départ du Tour, la Delahaye était encore à l'atelier… De sorte que notre passionné est arrivé le dernier place du Trocadéro. Et qu'il a pris le départ en rodage !
Si les travaux effectués permettent de rouler sans encombre et de prendre part à une épreuve comme le Tour Auto, le chantier de restauration n'est pas terminé pour autant. L'étape ultérieure consistera à mettre la carrosserie le plus en conformité possible avec ce qu'elle était à sa sortie des ateliers Antem. Quelques corrections esthétiques sont au programme, en particulier le remplacement de la calandre actuelle, qui ressemble trop à celle d'une Ferrari. Yves Menuteau projette de lui substituer une calandre de 235 course, dont il a le dessin. Il compte également abaisser le centre de gravité du moteur pour améliorer la tenue de route. L'étonnante histoire de cette Delahaye n'a donc pas fini de s'écrire…