Essai CITROEN C6
Jean-François Destin le 20/12/2005
La marque aux chevrons est de retour dans la cour de l'Elysée et des ministères avec la berline Citroën C6, héritière directe des Citroën DS, CX et XM.
Présentation
Six ans de gestation, beaucoup de doutes et d'hésitations et puis enfin la certitude de perpétrer une certaine idée d'un haut de gamme à la française. Pour la C6, Citroën a privilégié la politique des petits pas et renoncé à la marche forcée. Appelé à succéder à la DS, la CX et la XM et, à ce titre, à fréquenter la cour de l'Elysée et des ministères, le nouveau vaisseau amiral au double chevron devait cultiver un anticonformisme innovant typiquement Citroën. Mais sans pour autant céder, comme Renault l'a fait avec Vel Satis, à une audace incontrôlée en matière de design.
Et il s'en est fallu de peu que Citroën commette la même erreur. Lorsqu'en 1999, le prototype Lignage est dévoilé au Salon de Genève, les bureaux d'étude Citroën travaillent sur une grosse berline surélevée. Comme Renault, Citroën pense qu'il faut désormais jouer sur la hauteur. Le succès de «Lignage» auprès de la presse et des visiteurs leur prouvera le contraire. Citroën doit conserver ses racines, travailler la fluidité, l'aérodynamique en capitalisant sur l'aspect statutaire (long capot, arrière ramassé, trois vitres latérales) si bien interprété par Lignage. Ces atermoiements diffèreront de près de deux ans la sortie d'une C6 finalement bâtie sur la plate-forme rallongée de la 407.
Pour Citroën, toujours en quête d'une vraie percée en territoire allemand, il importait de contrer Mercedes, BMW et Audi avec une limousine de standing décalé. D'où, face à l'architecture classique allemande à trois volumes une silhouette bi-corps étirée au maximum.
Côté technique, on retiendra que la C6, fidèle à la suspension hydraulique, une exclusivité Citroën, assure un transport d'un confort royal et offre au conducteur un comportement routier de très haut niveau.
Sans doute, les deux 6 cylindres proposés au lancement (un 3 litres essence de 215 chevaux et un 2.7l diesel bi-turbo de 208 chevaux) ne sont pas de nature à inquiéter les spécialistes allemands. Aucun moteur de cylindrée supérieure n'est prévu mais un 4 cylindres 2.2l constituera l'an prochain une entrée de gamme à un prix compétitif. «Une approche raisonnable au cœur d'un marché européen haut de gamme difficile» assure Claude Satinet, directeur général de Citroën.
Les tarifs de la Citroën C6 vont de 41.900 € à 54.600 € en fonction de la motorisation et des trois finitions.
Design
Dérivée du prototype Lignage dessiné Marc Pinson, la C6 pourrait se passer du badge Citroën tant elle véhicule les gènes maison. Son long capot, son arrière court et ramassé, le galbe du pavillon font immédiatement penser à la CX, beaucoup moins à la XM et son style vif et tranché. Cependant, compte tenu d'un gabarit plus imposant (4.91m de long et 1.86m de large), il fallait trouver des astuces de style pour rendre la silhouette originale et innovante. Jean Pierre Ploué arrivé à la direction du style Citroën en janvier 2000 y est presque parvenu.
La remise en scène du double chevron reliant les optiques, c'est lui, la magnifique vitre arrière concave, c'est lui aussi et on salue encore l'original traité d'un arrière dépourvu de hayon. En revanche, on ne s'explique pas l'intérêt de l'aileron mobile au sommet du couvercle de malle et le grossier dessin des feux en accent circonflexe. De profil, la C6 ne manque pas de prestance avec, sous la belle arche de pavillon, les trois vitres latérales permettant de l'apparenter à une limousine.
Subtil mélange de lignes à la fois décalées et classiques, cette longue Citroën C6 aux allures de coupé offre une vraie alternative aux classiques berlines allemandes à trois volumes. Encore faudra t-il, en Allemagne notamment convaincre les acheteurs de délaisser leur griffes prestigieuses pour acheter une Citroën. Mais ceux qui roulent Volvo, Saab voire Jaguar et bien entendu Peugeot et Renault pourront se laisser tenter.
Habitacle
Très vaste, feutré, remarquablement insonorisé (notamment par la présence de vitres latérales feuilletées de type acoustique), l'habitacle de la Citroën C6 réserve de bonnes et de mauvaises surprises. A son crédit un espace très supérieur à celui des meilleures allemandes, de véritables fauteuils à l'avant et un confort aux places arrière que nos ministres apprécieront. Une aisance dont le coffre pâtit puisqu'il revendique seulement 420 dm3 soit le volume de celui d'une Laguna de 33 cm plus courte ! Toujours dans la colonne des «plus», on note beaucoup de petites attentions parfois inédites. C'est le cas du commutateur qui permet depuis l'arrière de faire avancer le siège avant passager (pour étendre presque complètement les jambes), des bacs de portes dotés d'un capot coulissant verticalement, de réglages arrière de la climatisation et d'un pare-soleil sous la lunette arrière. D'autres rangements se découvrent sous l'accoudoir central avant (à deux étages) et sous la planche de bord à gauche du volant.
Mais ce qui nous est présenté comme un prestige à la française montre ses faiblesses. Ainsi le tableau de bord rectiligne et symétrique ne recèle aucune originalité. La seule audace qui relève du gadget concerne ce petit cadran basique, presque rectangulaire placé derrière le volant. Il abrite un compteur digital, une jauge de carburants à plots et un compte-tours dans une présentation simpliste qui aurait paru moins incongru dans la petite citadine C1. Citroën explique avoir fait simple parce que la plupart des indications sont relayés dans le pare-brise via un système d'affichage tête haute. Réglable en intensité et en hauteur, il fait partie des équipements high-tech encore peu répandus mais devient vite fatigant, surtout de nuit.
Quant à la console centrale, elle recèle quantité de boutons minuscules difficiles a repérer et à utiliser.
Et la finition ? Est-elle à la hauteur d'un vrai haut de gamme ? Citroën prétend avoir pris pour référence l'Audi A6. Si l'on en juge par le veinage des plastiques, par l'intégration des inserts de bois aux couleurs peu flatteuses et par certains accostages, il reste du chemin à parcourir. Il nous a même semblé qu'une 607 de dernière génération affiche une qualité de fabrication supérieure !
Châssis
Comme ses aînés, ce nouveau haut de gamme ne pouvait pas se passer du système hydraulique exclusif développé depuis un demi-siècle par Citroën. Il trouve ici sa meilleure exploitation car couplé à une suspension active à flexibilité et amortissement pilotés. Remplies d'azote, les sphères font office de ressorts et travaillent en cohérence avec des vérins qui transmettent toutes les contraintes de la route. La gestion roue par roue permet à la suspension (de type 407 avec un multibras à l'arrière) de maintenir l'assiette de la caisse quel que soit l'état de la route. S'ensuit un amortissement à 16 lois (en détente et en compression) privilégiant le meilleur confort possible. A tous moments, en appuyant sur la touche «sport», le conducteur peut raffermir encore davantage les liaisons au sol et obtenir une rigueur accrue de comportement sans que le confort ne s'en trouve dégradé. Certains parlent à juste titre de tapis volant. Et sur ce chapitre, les trois spécialistes allemands se trouvent battus.
Moteurs
Considérée comme une montée en gamme et en prestige pour un constructeur français, l'offre axée sur deux 6 cylindres ne peut rivaliser avec les propositions des allemands travaillant depuis longtemps avec des V8 et V12 et plus récemment (BMW) avec un V10. Pour la Citroën C6, on peut même parler d'une seule motorisation tant le V6 essence apparaît obsolète. Sur le papier, ce dernier affiche 215 chevaux soit 7 de plus que le 2.7 V6 HDI mais pour le reste, il ne supporte pas la comparaison. Avec un couple beaucoup plus élevé (440 Nm), le diesel HDI offre à la C6 une vitesse de pointe identique (230 km/h) et des accélérations plus franches (8,9 secondes pour passer de 0 à 100 km/h contre 9,4) Même sanction au 1000 mètres départ arrêté où la C6 HDI, pourtant plus lourde de 55 kg, ne réclame que 30 secondes (contre 30,2 pour la C6 3l V6). Quant à la consommation l'écart est spectaculaire en faveur du HDI, tant en cycle mixte européen (8,7l contre 11,2l) qu'en réelle (111 à 12 litres contre 15 à 16 litres minimum !).
Les anti mazout vous diront que le V6 distille sa puissance avec douceur et onctuosité et qu'il est plus discret que le diesel, c'est vrai mais le HDI très bien encapsulé dans le compartiment moteur fait presque totalement oublier ses origines diesel. Ce bloc moderne à haute technologie, fruit du partenariat technique entre Ford et PSA, a été aussi bien exploité par les ingénieurs de Citroën dans la Citroën C6 que par ceux de Jaguar pour la XJ. C'est une référence.
Sur la route
Univers classe, élégant, statutaire mais très sombre et un peu triste, l'habitacle de la Citroën C6 n'en constitue pas moins un cocon douillet et hermétique aux bruits extérieurs. C'est si vrai qu'après avoir refermé la portière et lancé le 6 cylindres HDI, on perçoit à peine le bruit caractéristique du diesel. Les vibrations elles aussi ont été savamment piégées avant de parvenir dans l'habitacle. Très assistée à basse vitesse mais suffisamment précise, la direction permet de prendre rapidement la mesure d'une berline imposante mais qui va s'avérer d'une agilité surprenante.
Dès les premiers kilomètres, on retrouve les sensations inédites de la suspension hydraulique avec ce comportement légèrement chaloupé de la caisse. Cependant, on est loin des excès de la CX ou de la XM et on sent bien que l'amortissement piloté veille pour offrir le meilleur compromis confort/tenue de route. Inégalités, raccords de revêtement et dos d'âne sont avalés sans effort. Le roulis si sensible autrefois sur les Citroën est ici maîtrisé.
Et le sera encore davantage en appuyant sur la touche «sport» déjà décrite plus haut. Au bonheur des virages pris à cadence élevée et en toute sécurité. Le plus surprenant dans le comportement de la Citroën C6 concerne sa neutralité alors que son architecture et une prédominance du poids sur l'avant devraient déclencher des effets induits de sous-virage.
Altier, omniprésent et «coupleux» à souhait, le HDI entraîne déjà la C6 dans des vitesses que la loi réprime. La boite auto (identique à celle de la 607) réagit au bon moment mais pour s'amuser, on bascule en mode séquentiel. Un régal qui n'apporte cependant pas un plus déterminant pour changer plus vite de rapport.
Pour nous faire apprécier les places arrière, Citroën avait prévu un petit trajet urbain avec chauffeur. Fait rare, elles sont aussi confortables que celles de l'avant surtout si vous souscrivez au «pack Lounge» à 1300 euros permettant de jouer avec les réglages de l'assise et du dossier. Au final, nos ministres seront bien gâtés lorsqu'ils recevront leur Citroën C6 de service.
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Equipements
Equipements de base
La suspension active à flexibilité et amortissement pilotés, l'affichage tête haute, le déflecteur piloté, les projecteurs xénon bifonction, les régulateur et limiteur de vitesse, le volant cuir, le système audio CD + écran couleur, la climatisation régulée bizone avec pulseur arrière, le frein de stationnement électrique, l'allumage automatique des feux + essuie-vitre automatique, le détecteur de sous-gonflage, la supercondamnation, 9 airbags dont 1 airbag genoux pour le conducteur, le capot actif (pour réduire la gravité des blessures occasionnées aux piétons, les rétros rabattables électriquement, les sièges avant électriques règlables sur 3 axes, l'ESP et les jantes en alliage de 18 pouces.