Essai JAGUAR S-Type Diesel
Jean-François Destin le 07/06/2004
Un an après avoir cédé aux sirènes du diesel avec la X-Type, la marque récidive au travers de la Jaguar S-Type.
Présentation
Pour rivaliser avec les spécialistes allemands rompus depuis longtemps aux diesels à haut rendement, les deux groupes ont établi un cahier des charges ambitieux faisant appel aux technologies les plus avancées : 24 soupapes, deux mini-turbos à géométrie variable, une rampe commune avec injecteurs à commande Piézo-électrique multipoints et enfin une admission variable. Conçu et mis au point dans le centre de recherches Ford de Aix la Chapelle en présence de techniciens de Peugeot (chargés entre autres de la mise au point de la rampe commune), il est fabriqué également chez Ford dans l'usine anglaise de Dagenham. Au total, le programme d'ingénierie et de fabrication du nouveau V6 diesel aura coûté 350 millions d'euros aux deux partenaire Ford et PSA Peugeot/Citroën.
Pour ne pas décevoir la clientèle visée des berlines « premium », le 2.7l installé sous le capot de la S-Type a été « badgé » Jaguar. Un petit mensonge bien compréhensible d'autant plus que les techniciens de Jaguar ont quand même participé activement aux validations finales.
Quoiqu'il en soit, le mariage de ce nouveau moteur diesel bi-turbo et de la Jaguar S-Type ravira les amateurs de modèles haut de gamme diesel (3 acheteurs sur 4 dans ce segment délaissant l'essence). On verra plus loin que l'onctuosité, la souplesse, la vigueur et le rapport performances/consommation de ce nouveau bloc compact et léger (202 kg) n'a rien à envier aux meilleures productions allemandes. Seul bémol, une inertie de reprise à très bas régime.
Complétant une gamme de 4 propositions essence (V6 2.5l 204 ch et 3l de 243 ch, V8 4.2l de 304 ch et 4.2l suralimenté de 406ch), la version diesel 2.7l bi-turbo coïncide à quelques semaines près avec un face-lift de la Jaguar S-Type destiné à rendre sa livrée plus sportive et moderne.
Questionné sur le montage de ce nouveau moteur diesel bi-turbo sur d'autres modèles, Didier Pedelmas, PDG de Jaguar France a indiqué sans s'engager qu'il serait logique qu'il anime la nouvelle XJ tout aluminium. En revanche, il animera bientôt le Land Discovery dans une version limitée à 190 chevaux.
Lancée depuis le 3 juin 2004, la Jaguar S-Type 2.7l bi-turbo est vendue de 41.450 € à 48.000 € selon les versions, un tarif élevé pas aussi concurrentiel qu'on aurait pu l'espérer.
Design
Depuis son lancement à l'automne 1998, la S-Type symbolise le renouveau de Jaguar. S'inspirant de la magnifique silhouette de la Mark II des années 60, elle a su établir un lien solide entre le passé prestigieux de la marque et un modernisme conservateur à l'abri des phénomènes de mode. La clientèle ne s'y trompe pas et la X-Type, pâle réplique en version compacte de la XJ ne lui a jamais fait de l'ombre, se contentant, mais c'était son objectif, d'intéresser une clientèle de conquête n'ayant jamais eu le réflexe Jaguar.
En cinq ans, la société change et la vitalité de la concurrence aidant, il a fallu apporter quelques retouches esthétiques à la S-Type sans remettre en cause le dessin originel. Ian Callum, responsable du style a porté sa réflexion sur la face avant (nouveau pare-choc avec baguettes chromées), la grille de calandre plus large et surtout un nouveau capot moteur tout alu arborant un V plus accentué. A l'arrière, les évolutions concernent la ligne du couvercle de malle et l'arrivée de feux plus modernes.
Habitacle
La légère évolution stylistique de la carrosserie s'accompagne d'améliorations au niveau par exemple des nouveaux cadrans ronds et de deux fenêtres de message. Feutré, cossu, très british, l'intérieur de la S-Type rassure et protège. En revanche, nos fiches comparatives montrent qu'il est le moins généreux, le coffre étant lui aussi modeste en regard des dimensions de la voiture. Aujourd'hui, le nouveau V6 bi-turbo Ford/PSA permettrait une implantation transversale (ce qui sera le cas évidemment sur 607 et 407) mais la S-Type à propulsion a été conçue au départ pour abriter ses moteurs longitudinalement. Le déficit d'espace est surtout vrai à l'arrière ou des personnes de grande taille manqueront d'aisance lors des longues étapes.
Reste que face à de « froides » Allemandes, la Jaguar S-Type et son « cocooning » raffiné est appréciable d'autant que l'acheteur peut choisir entre plusieurs finitions aux ambiances variées. Au travers des trois niveaux (Base, Classique et Turbo-Sport), il disposera de boiseries en madrona teintées bronze, ou pour la « Sport » d'inserts en aluminium et de différents cuirs clairs, sombres ou bi-colore. L'éventail des jantes en alliage a également été élargi.
Châssis
Pas plus lourde que les modèles nantis d'un V6 essence ou d'un V8 (à part la version V6 2.5l d'entrée de gamme), la S-Type diesel a cependant bénéficié d'une suspension adaptée. Les amortisseurs et la flexibilité des ressorts ont été réétudiés tandis que pour combattre les vibrations et bruits induits, les supports moteur sont à double isolation, Le carter à double paroi et les couvre arbres à cames composite avec isolant élastomère concourent également au silence de fonctionnement perçu dans l'habitacle.
Bien entendu, le modèle « Sport » hérite de réglages plus fermes ménageant toutefois le confort et de jantes de 18 pouces. Le meilleur compromis confort/tenue de route passe par le système de suspension active CATS (Computer Active Technology Suspension) vendu 980 € en option. Seule la S-Type R 4.2l suralimentée en dispose en série.
Moteur / transmission
Avec ce bi-turbo Ford/PSA, la S-Type possède tous les atouts pour aller rivaliser avec les meilleures Allemandes du moment. Il répondra en tous cas aux attentes d'une clientèle Jaguar en quête de dynamisme et de sportivité. D'une cylindrée de 2.7l, ce bloc en fonte graphite (qui allie légèreté, solidité et durabilité) contient quatre arbres à cames, 24 soupapes, une rampe commune de deuxième génération, deux turbos contrôlés électroniquement et point capital des injecteurs à commande «Piezo-électrique» au fonctionnement quasi instantané. Au delà des 208 chevaux, puissance respectable, il développe 435 Nm, un couple supérieur à celui (411 Nm) du V8 4.2l ! Mieux, 80% de ce couple se manifestent à un régime compris entre 1500 et 4000 t/m, et ce, avec une consommation moyenne de 8 litres (contre 11,5l pour la S-Type V8).
Pour offrir des accélérations progressives et sans à-coups, les motoristes de Ford et PSA ont préféré opter pour deux petits turbos plutôt qu'un gros, un choix également propice à une basse consommation.
Côté pollution, on peut s'étonner qu'étant partenaire de Peugeot, pionnier en matière de FAP (Filtre à Particules), Ford n'ait pas cru bon d'équiper le bi-turbo destiné à la S-Type d'un FAP, histoire de passer les normes Euro IV de janvier 2006 plus facilement. « On y viendra en temps utile » nous a assuré Didier Pedelmas. Assurément, la firme britannique a voulu réaliser quelques économies au lancement.
Ce beau moteur est associé, au choix, à deux transmissions : une automatique à 6 rapports avec commande séquentielle assez récente et une toute nouvelle boite mécanique ZF également à 6 rapports. On verra plus loin qu'il serait dommage de se passer de l'automatique malheureusement assortie d'un supplément de 2090 € sur la version de base.
Sur la route
Il est toujours agréable de reprendre contact avec la S-Type d'autant que Jaguar dans son plan d'améliorations produit a fait progresser la qualité des matériaux à bord tout en optant (pour la première fois sur une Jaguar moderne), d'insert en alu. Mais l'essentiel de la nouveauté se trouve sous le capot et contact mis, l'allumage du V6 s'effectue sans vibrations, sans claquement et dans une ambiance sonore qui ne trahira pas la présence d'un diesel.
Au fil des kilomètres, on prend vite la mesure de ce diesel qui n'a rien à envier aux V6 essence tant en accélération que lors des reprises à mi-charge. A haut rendement, le bi-turbo se donne à fond avec une facilité qui vous amène à un niveau de performances réprimé par la loi. Il faut surveiller le compteur car au delà de 140-150 km/h, le bruit du V6 se fond totalement parmi les (légers) sifflements aérodynamiques et ne donne pas d'indication précise sur la vitesse.
Beaucoup mieux servi par la boite automatique (aussi agréable en commande manuelle qu'en tout auto), le diesel Ford/PSA reste réactif en permanence hors mis lorsque le régime descend au dessous de 2000 tours. A ce stade, la noble mécanique semble assoupie, réclamant pas moins d'une seconde pour transformer la pesée brutale du pied sur l'accélérateur en accélération. C'est d'autant plus regrettable qu'avec l'automatisme et la souplesse du moteur, on se retrouve souvent (notamment en ville) autour de cette plage de régime.
Renseignements pris auprès de Jaguar France : ce petit défaut ferait actuellement l'objet d'un réaménagement de la cartographie moteur, voire des turbos. Côté consommation, j'ai lu 8.8l sur l'écran de l'ordinateur, une donnée très correcte mais pouvant monter à près de 10 litres sur des routes plus roulantes que celles choisies par Jaguar France pour l'essai.
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Equipements
Finition Classique
Tous les équipements traditionnels de confort et de sécurité + l'antipatinage électronique, le contrôle dynamique de stabilité, le frein à main électronique, la transmission automatique à 6 rapports, les jantes en alliage « Juno » de 17 pouces, les rétroviseurs extérieurs électriques et chauffants, la banquette fractionnable 60/40, le système d'aide au stationnement en marche arrière, les sièges en cuir à réglages électriques avec pack de mémorisation, la climatisation régulée bi-zone, le régulateur automatique de vitesse avec volant multifonction, les dossiers des sièges arrière à absorption d'énergie avec système anti « coup du lapin » et le système A.R.T.S (Adaptative Restraint Technology System), une protection différenciée gérant l'ouverture adaptée des airbags frontaux.