Acheter une PORSCHE 928
Didier Lainé le 03/06/2004
Encensée par certains, boudée par d'autres, la 928 n'a jamais fait l'unanimité chez les Porschistes. Elle demeure pourtant l'une des plus brillantes GT de ces 25 dernières années.
Initiation à l'espèce
Pas moins de 6 versions successives ont vu le jour entre 1977 et 1995. Entre la première (928 4, 5 l) et la dernière (928 GTS), l'écart de puissance atteint 110 chevaux et l'on passe progressivement de 230 à 275 km/h, la cylindrée augmentant au gré des séries de 4,5 l à 5,4 l. Autant dire que des évolutions significatives ont émaillé la carrière de ce haut de gamme Porsche qui profita dès ses débuts d'une conception ultra sophistiquée, la firme de Weissach s'étant fixé de grandes ambitions avec ce modèle censé affronter les plus grandes références du marché des GT de prestige.
Dotée d'une architecture « transaxle » (boîte et pont accolés à l'arrière) pour garantir une bonne répartition des masses, de trains multibras très innovants, d'un V8 tout alu inédit et d'une carrosserie aussi futuriste que remarquablement profilée (un dessin dû au talent de l'équipe d'Anatole Lapine), la première 928 offrait largement de quoi défrayer la chronique dès son entrée en scène, au Salon de Genève de mars 1977. Proche par l'esprit de la 924 qui l'avait précédée de 2 ans, cette Porsche d'un nouveau genre marquait en fait la volonté des dirigeants d'en finir avec la «monoculture» de la marque incarnée par la 911, dont la fin de carrière pouvait sembler proche à la fin des années 70.
Sensiblement plus chère et beaucoup plus évoluée, la 928 n'était toutefois pas destinée à lui succéder directement, son ambition première visant à conquérir le marché américain, gros consommateur de coupés «exotiques» aussi luxueux que performants. Si la clientèle américaine a effectivement réservé un bon accueil à cette Porsche taillée pour les grands espaces, les amateurs européens l'ont quant à eux jugée trop volumineuse, trop lourde et trop édulcorée dans son comportement pour leur faire oublier la 911. C'est un fait que la première version manquait un peu de piment avec ses 240 chevaux très civilisés et trop facilement «digérés» par des trains roulants redoutablement efficaces. Comme c'est souvent le cas avec Porsche qui sait ménager ses effets de surprise, il convenait toutefois d'être un peu patient. Dès la fin de l'année 1979, une version S, forte de 300 chevaux allait ainsi se charger d'atténuer les critiques. Conçue expressément pour le marché européen (les normes américaines ne permettant pas son homologation), cette dernière offrait désormais un niveau de sensations propre à satisfaire les Porschistes inconditionnels : la vivacité de ses accélérations et sa vitesse de pointe élevée (plus de 250 km/h) allaient ainsi faire d'elle la plus brillante GT 2+2 de son temps devant la Ferrari 400 I, considérée comme l'étalon de référence dans ce segment très exclusif.
Par la suite, la 928 ne cessera de gagner en puissance et en cylindrée, l'augmentation progressive de ses performances n'ayant aucune incidence sur sa remarquable homogénéité. Modérément restylée au fil des ans, cette Porsche atypique a mené une carrière bien discrète dans l'ombre de la 911. Entre 1978 et 1995, plus de 60 000 exemplaires de cette série ont tout de même trouvé preneur, un score somme toute honorable, compte tenu de son prix de vente très élevé (560 000 F en 1988 pour une 928 S4, soit 200 000 F de plus qu'une 911 Carrera).
Retirée discrètement du catalogue en 1995, la 928 a, depuis lors, connu une décote rapide sur le marché de l'occasion, faute de bénéficier d'une image aussi porteuse que celle de la 911. Cette désaffection relative s'est prolongée jusqu'à maintenant. Pourtant, cette «grande» Porsche n'apparaît toujours pas démodée et ses performances (surtout celles des dernières versions GT et GTS) sont encore susceptibles de combler les plus exigeants. Certes, la 928 est réputée gourmande et chère à l'entretien. Deux handicaps qui font fuir aujourd'hui. Mais ce qui lui fait surtout défaut, c'est une véritable «cote d'amour». La plupart des Porschistes la boudent parce qu'elle est peut-être trop «parfaite» à leurs yeux. Véritable rêve d'ingénieur, il lui manque sans doute un certain supplément d'âme pour susciter l'adhésion des amateurs de conduite sportive. La conjoncture apparaît donc propice à l'acheteur. Beaucoup de 928 végètent actuellement dans l'ombre des garages et les prix s'en ressentent. Raison de plus pour comparer les offres et ne pas succomber à la tentation de prendre la moins chère ou la première venue qui est rarement la meilleure. Notre chapitre suivant vous en dira plus sur les nombreux «pièges» que recèle cette Porsche de haute lignée quand on ne lui accorde pas l'entretien qu'elle mérite.
Moteur / carrosserie
Moteur
Réputé fiable, le gros V8 de la 928 peut digérer sans peine des kilométrages impressionnants. 250 000 kilomètres et plus ne lui font pas peur, pour autant que les révisions aient été effectuées conformément aux prescriptions du constructeur : changement de la courroie de distribution tous les 80 000 kilomètres (opération à respecter impérativement), vidange moteur et mise au point tous les 20 000 kilomètres, vidange de la boîte et du différentiel tous les 80 000, etc. Si ce moteur supporte aisément de tenir des régimes élevés sur des distances importantes, sa consommation d'huile (2 à 3 litres aux 1000 en usage intensif…) justifie un contrôle très régulier du niveau à la jauge. A noter qu'une inaction prolongée peut avoir des effets pernicieux sur son fonctionnement, notamment les systèmes d'injection K-Jetronic montés sur les premières séries dont les doseurs ont tendance à se gripper. Si toutes les pièces mécaniques sont encore disponibles dans le réseau Porsche, les prix pratiqués apparaissent parfois rédhibitoires : un moteur à refaire peut se chiffrer à plus de 10 000 Euros, soit davantage que la cote actuelle d'une 928. Bon à savoir...
Carrosserie/Structure
La caisse en acier galvanisé comme les éléments réalisés en alu (portes et ailes avant, entre autres) apparaissent quasiment insensibles à la corrosion mais un choc mal réparé peut générer une étanchéité douteuse en surface et préparer le terrain au développement de la gangrène par en dessous. Méfiance, donc, si certains panneaux révèlent un alignement suspect ou des défauts de planéité en surface. Les boucliers avant et arrière en matière synthétique déformable encaissent bien les petits chocs mais peuvent facilement se rayer en surface et leur forme profilée n'assure qu'une protection très relative aux optiques avant et aux feux arrière. Les pièces et accessoires de carrosserie sont encore disponibles chez Porsche mais les tarifs pratiqués sont, là encore, assez dissuasifs (comptez 950 Euros pour un pare-brise et 1450 Euros pour un capot…). Mieux vaut donc privilégier un exemplaire complet au stade de l'achat et contrôler soigneusement l'état de la caisse.
Transmission / freins
Transmission
Si la boîte manuelle à 5 rapports a été étudiée dès l'origine pour encaisser largement plus que les 240 chevaux du 4,5 litres initial, sa durée de vie dépend étroitement du traitement auquel on la soumet : longue à monter en température, cette boîte incite parfois à maltraiter les rapports à froid. Au delà des 150 000 kilomètres, une réfection des synchros de première et de seconde peut ainsi s'avérer nécessaire. Quant à l'embrayage, sa longévité ne franchit guère le cap des 80 000 kilomètres. Grosse dépense en perspective, surtout s'il faut remplacer dans la foulée l'émetteur et le récepteur qui ont tendance à fuir avec le temps.
Les boîtes automatiques à 3 ou 4 rapports (plutôt boudées en Europe) s'avèrent très résistantes et incitent à une conduite plus coulée, ce dont profitent évidemment les pneumatiques, freins et trains roulants, moins brutalement sollicités. Moins demandée (et donc, moins cotée) qu'une version à boîte manuelle, une 928 automatique (surtout une S, suffisamment puissante pour effacer l'inertie relative de cette transmission) peut apparaître comme un bon choix en occasion si on ne privilégie pas la performance à tout prix. Les écarts en accélérations et reprises sont d'ailleurs assez symboliques sur les versions S dotées de la boîte auto à 4 rapports.
Freins/Trains roulants/Pneumatiques
La 928 est une GT «de poids». Ses 1500 kilos soumettent à rude épreuve freins et pneus en conduite sportive. Les 4 disques ventilés (complétés par un ABS livré en série à partir de 1986) tiennent plutôt bien la distance mais 100 000 kilomètres d'usage intensif peuvent néanmoins venir à bout de leur résistance. Là encore, les pièces sont assez chères (170 Euros pour un jeu de plaquettes et à peu près autant pour un disque) mais c'est là un poste budgétaire incontournable si l'on souhaite profiter pleinement des performances de sa 928. Les pneus souffrent également d'une conduite très sportive : ceux de l'arrière résistent rarement plus de 20 000 kilomètres ! Attention : le choix des enveloppes est prédominant sur une 928 et, d'une série à l'autre, leur coût augmente sensiblement en proportion de leur taille (255/40/17 à l'arrière sur les dernières 928 GTS…).
Amortisseurs et silentblocs ne posent pas de problèmes particuliers à l'usage mais, avant tout achat, un contrôle préventif de la géométrie des suspensions et de l'état d'usure des pneumatiques apparaît tout à fait judicieux, surtout si l'exemplaire convoité affiche un kilométrage élevé.
Finition / équipement
Finition/Equipement
Au fil des ans, la finition, la présentation et l'équipement de bord n'ont cessé de progresser, les premières 928 étant, de loin, les moins accueillantes avec leur habitacle garni de plastiques trop brillants, les revêtements en tissu (façon drapeau à damiers) ne relevant guère le niveau. L'option «tout cuir» constitue logiquement un argument valorisant au stade de la revente. Avec le temps, les garnitures intérieures ont tendance à se dégrader, notamment les sièges en tissu, les moquettes et la partie supérieure du tableau de bord. Un habitacle défraîchi sous-entend généralement une réfection coûteuse, les garnitures d'habillage étant plutôt chères. Une 928 généreusement optionnée mérite parfois le détour, surtout si tous ses équipements fonctionnent, ce qui est rarement le cas, le système électrique n'étant pas d'une grande fiabilité. Lève-vitres, système de climatisation, instruments de bord, connexions diverses présentent souvent des dysfonctionnements sur les 928 peu suivies en entretien.
Notre avis
Moins chère que les GT et GTS ultérieures, la 928 S4, agréablement restylée et redoutablement efficace avec son V8 multisoupapes de 320 chevaux représente un excellent choix à moins de 15 000 Euros. Un excellent compromis qui se laisse pleinement apprécier à l'usage, surtout si l'on a la chance de tomber sur exemplaire correctement suivi en entretien et affichant moins de 150 000 kilomètres. En l'espèce, mieux vaut cibler sa recherche dans la partie haute de la fourchette et se dire que quelque 3 ou 4 000 Euros supplémentaires investis judicieusement dans une 928 S4 en excellent état de présentation et de fonctionnement peuvent représenter un bon calcul à terme.
La côte de Motorlegend
(valeurs s'appliquant à des exemplaires en excellent état général et conformes à l'origine)
-928 manuelle : 8000 €
-928 auto : 7000 €
-928 S manuelle : 9500 €
-928 S auto : 9000 €
-928 S4 manuelle : 14 000 €
-928 S4 auto : 13 000 €
-928 GT : 17 000 €
-928 GTS : 20 000 €
La 928 en chiffres
Moteur Production
Version 928 (1977-82 pour le marché Européen) / Moteur : V8 4, 5 l, 2 ACT, 240 ch DIN à 5250 tr/mn, boîte 5 rapports ou automatique 3 rapports, 230 km/h / Production : 17 700 ex.
Version 928 S (1979-83) / Moteur : V8 4, 7 l, 300 ch à 5900 tr/mn, 250 km/h / Production : S et S2 : 22 760 ex.
Version 928 S Série 2 (1983-86) / Moteur : 310 ch à 5900 tr/mn, 255 km/h / Production : S et S2 : 22 760 ex.
Version 928 S4 (1986-90) / Moteur : V8 5 litres, 320 ch à 6000 tr/mn, 265 km/h. Nouveau dessin des boucliers / Production : 16 250 ex.
Version 928 GT (1989-91) / Moteur : V8 5 litres, 330 ch à 6200 tr/mn, 275 km/h (mécanique S4 « Club Sport ») / Production : 1625 ex.
Version 928 GTS (1991-95) / Moteur : V8 5, 4 l, 350 ch à 5700 tr/mn, 275 km/h / Production : 2710 ex.
Prix des pièces (exemples indicatifs)
- Embrayage (complet) : 945 €
- Disque de frein AV : 175 €
- Echappement (ligne complète) : 2850 €
- Pompe à eau : 350 €
- Bouclier avant : 835 €
- Pare-brise : 925 €
- Portière : 1675 €
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 03/06/2004, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.