Essai PORSCHE Cayenne S
Jean-François Destin le 26/05/2003
Longtemps réduits à faire évoluer en douceur l'inusable 911, les ingénieurs de Porsche ont enfin relevé un vrai défi avec le Porsche Cayenne.
Présentation
Après l'inspiré Boxster (1996) dans le droit fil du mythique Spider 550 des années 50, on aurait pu penser que Stuttgart allait rester fidèle à la philosophie maison en peaufinant une GT 4 places à l'instar de la Ferrari 456. De très nombreuses études ont été menées mais le minuscule marché des coupés 4 places à haute performances a été délaissé au profit de deux autres orientations : la Supercar avec la Carrera GT dévoilée dans sa version définitive au Salon de Genève 2003 et enfin le 4X4 loisirs avec le Porsche Cayenne en vente depuis le début 2003.
Pour réduire les frais d'études, Porsche s'est allié avec Volkswagen pour partager la plate-forme et quelques éléments de structure. Ainsi est né le VW Touareg qui se distingue par une silhouette agréable et originale et une batterie de moteurs haut de gamme dont un fabuleux V10 TDI 5l de 313 chevaux !
En défrichant cette nouvelle catégorie, Porsche, de son côté, devait surprendre tout en surclassant ses rivaux notamment en terme de présentation. Las, beaucoup d'observateurs, y compris parmi les inconditionnels de Porsche, ont eu une mauvaise surprise. Retirez de la face avant du Cayenne les optiques très voisins de ceux de la 911 et vous obtenez un gros break surélevé (près de 4.80m pour 2.3t) qu'aurait pu signer n'importe quel constructeur généraliste, qu'il soit européen ou japonais. Cependant, frappé de la vénérable griffe, le Porsche Cayenne a été traité avec le plus grand respect par les autres grands groupes automobile (no comments) et par la presse spécialisée qui a vu dans cette carapace un peu anonyme un traitement consensuel à l'abri des modes et susceptible de plaire aux asiatiques, aux européens mais surtout aux américains.
Car soyons clair, Porsche qui entend écouler la moitié de sa production aux USA a élaboré un cahier des charges répondant aux us et coutumes de la clientèle d'outre Atlantique. D'où le choix d'un V8 atmo et turbo moteurs (340 et 450 chevaux), l'absence annoncée et reconfirmée récemment de tout diesel futur (le V10 restera l'exclusivité de VW) et une débauche de technologies de très haut niveau dont ne profiteront jamais 99% des acheteurs américains.
Car si Porsche a failli en design, la marque ne trahit pas sa réputation aux niveaux des motorisations sportives (le V8 est inédit), des performances, des prestations routières et de la transmission intégrale. L'essai du Porsche Cayenne S nous en a convaincu même si cet agrément de conduite est obtenu au détriment du confort (le système pneumatique en série sur le Turbo et en option sur le S ne change rien à l'affaire).
Le Porsche Cayenne est vendu 51.900€ en version S et 86.100€ en modèle Turbo. Des prix élevés mais compétitifs.
Design
Moins sportif qu'un BMW X5 et moins élégant qu'un Range ou un Lexus RX 300, le Cayenne impressionne par sa face avant agressive et ses épaulements de "macho". Mis à part pour les optiques, les stylistes se sont totalement affranchis des codes Porsche pour dessiner un gros break surélevée d'un classicisme consternant. De loin, personne ne doit voir dans ce nouveau 4X4 un cousin des 911 et autres Boxster et encore moins une nouvelle Porsche.
On retiendra à l'avant les énormes prises d'air, un arrière parfaitement neutre avec un hayon doté néanmoins d'une lunette arrière à ouverture indépendante (par télécommande).
Alors qu'il a été conçu pour affronter, pistes et sentiers rocailleux, on le retrouvera surtout en ville dans les beaux quartiers, et gare aux pare-chocs peints très vulnérables.
Côté dimensions, le Cayenne et ses 4.78m se place nettement au dessus des ML Mercedes et BMW X5 (4.64m et 4.66m) mais encore loin du majestueux Range Rover (4.95m). Par rapport au S, le Cayenne Turbo se distingue par des prises d'air supplémentaires et surtout 4 sorties d'échappement au lieu de deux.
Habitacle
Qualité extrême des moindres composants, assemblage rigoureux, ambiance high-tech, fonctionnalité sans faille: on retrouve l'envoûtante atmosphère Porsche avec l'espace en plus. Une habitabilité qui se situe dans la bonne moyenne de la catégorie, les sièges arrière basculants permettant d'obtenir un plancher presque plat et plus de1100 dm3 de volume.
Les nombreuses incrustations d'alu brossé (cerclage des cadrans ; entourage de la commande de boite, tirettes d'orientation des buses de ventilation et double commande Tiptronic sur le magnifique volant trois branches) suffisent à typer ce luxueux 4X4 sans tomber dans des excès de mauvais goût. Un travail très intelligent. Un seul regret : les sièges avant pas assez enveloppants surtout avec l'option tout cuir. A noter que la position en hauteur très agréable du pilote (et des passagers) et les larges rétros latéraux ne résolvent pas totalement le problème de la visibilité de ¾ arrière, la surface vitrée restant limitée.
Châssis
Porsche a conçu des liaisons au sol répondant à la fois aux impératifs souvent contradictoires de la conduite sportive et du tout terrain. Elles font la part belle à l'électronique en associant le PTM (Porsche Traction Managment), le PSM (Porsche Stability Managment) et le PASM (Porsche Active Suspension Managment). Tous ces systèmes aux appellations un peu barbares gèrent la motricité, la stabilité du véhicule jusqu'à l'extrême limite du décrochage et les lois d'amortissement en fonction du déplacement du véhicule, de la vitesse et des difficultés rencontrées.
En utilisation nominale, le Cayenne reçoit 62% de l'énorme couple vers l'arrière et 38% vers l'avant. Suivant les conditions d'adhérence et le comportement du conducteur, ce couple peut varier de 0 à 100% dans les deux sens. La finalité étant d'obtenir motricité et tenue de route parfaites.
On l'a évoqué plus haut, les réglages s'affinent encore en présence de la suspension pneumatique qui automatiquement fait varier la hauteur de caisse en fonction de la vitesse et permet au conducteur (à partir d'une belle roue crantée très pratique sur la console centrale) de présenter un seuil de chargement très bas (157 mm) et de disposer de deux positions hautes en franchissement (243 et 273 mm). Ces changements de niveaux prennent quelques secondes et s'affichent sur la fenêtre d'affichage de l'ordinateur.
En tout terrain, on dispose aussi d'un blocage du différentiel central et d'une réduction de la boite de vitesses.
Livrés de série avec des jantes de 18 pouces, les Cayenne S et Turbo peuvent aussi en option recevoir des 19 ou 20 pouces.
Moteur
Champion du six cylindres boxer (à plat), Porsche a dû concevoir un V8 inédit pour le Cayenne. Ouvert à 90°, il est d'une architecture classique mais regroupe le nec plus ultra de la technologie. Il bénéficie de quantité d'avantages, entre autres celui de pouvoir fonctionner sans aucune irrégularité lorsque le 4X4 en TT est incliné à 45° longitudinalement ou transversalement. De nombreuses améliorations touchent les circuits d'huile et de refroidissement et le système de dégazage du carter moteur. Pour l'anecdote, indiquons que les motoristes ont repris la course et l'alésage du moteur du Boxster S.
Bien entendu ce V8 compact et léger (culasse et pistons en alliage) très performant mais pas vraiment sobre répond déjà aux normes anti-pollution Euro 4 prévues en 2005. Travaillé avec soin par les acousticiens, il sait se faire oublier aux allures touristiques et émettre un son rauque bien agréable en reprises et accélérations.
Ce nouveau V8 de 340 et 450 chevaux selon la version est associé à une nouvelle boite Tiptronic à 6 rapports dite adaptative. Parmi ces "plus": le verrouillage du rapport en fonction dans les virages, le non passage du rapport supérieur en cas de lever le pied et le rétrogradage automatique lors des freinages.
Sur la route
En position dominante et face à ce mythique écusson Porsche trônant sur le moyeu du volant, il serait malvenu de nier le plaisir intense que l'on éprouve en s'installant aux commandes d'un Cayenne. Il faut d'abord se mettre dans l'œil le gabarit imposant du véhicule puis tester toutes les commandes dont la douceur contraste avec une carrosserie un peu brute et machiste. Dans le trafic urbain, il faut tendre l'oreille pour percevoir le ronronnement discret du V8, la boite effectuant son travail en douceur.
En entamant l'autoroute, on ressent les premières secousses d'une suspension qui ne vas faire aucune concession aux occupants. Vérification faite sur la console : le degré d'amortissement réglable depuis le poste de pilotage est calé sur "confort". Plus tard, j'essaierai les niveaux "normal" puis "sport" avant de vite revenir au mode en arrière tant l'inconfort devient insupportable.
Chez Porsche, on argue que ces très fermes liaisons au sol étaient indispensables pour assurer un bon comportement à un véhicule de ce poids aussi puissant.
Le poids, il est omniprésent et pénalise la vigueur du V8 atmosphérique en accélération et en reprises et bien entendu la consommation (20,7 litres en moyenne pendant notre essai !). En revanche, maintenir une haute vitesse de croisière ne pose aucun problème.
Au global, j'ai été séduit par la tenue en cap, l'absence quasi totale de prise de roulis en virage, l'insonorisation, les bruits aérodynamiques bien maîtrisés, une direction très sensitive et un freinage en regard des performances.
Le temps nous a manqué pour tester le Cayenne S en tout terrain ou plutôt en tous chemins car comme le X5 ou le ML, il ne s'agit absolument pas d'un véhicule de franchissement. A ce prix, qui risquera de fourvoyer un tel joyau dans la boue, les ronces et les sentes pierreuses ?
Equipements
Tous les équipements haut de gamme traditionnels + carrosserie galvanisée autoporteuse, capot moteur en aluminium, rétroviseurs extérieurs électriques chauffant repliables, ordinateur de bord, autoradio CD avec 10 HP et 4X18W, antenne intégrée à l'aileron arrière, écran d'affichage multi-fonction, affichage analogique de la pression d'huile, de la température d'eau de refroidissement et de l'autonomie, climatisation automatique à régulation G/D indépendante, réservoir à charbon actif et filtre à pollen, vitres teintées et thermo-isolées avec bande verte sur le pare-brise, siège avant à commandes électriques, garniture de marche-pied et de pédales en acier inoxydable et jantes en alliage léger.