Essai GINETTA G33
Gilles Bonnafous le 01/01/2000
Petit bolide attachant au look d'enfer, la Ginetta G 33 offre les généreuses qualités de son V8 Rover bourré de couple.
Présentation
Marque rare et exclusive, Ginetta appartient à cette tribu de petites firmes anglaises animées par des artisans passionnés de compétition et qui perpétuent la tradition britannique du roadster pur et dur. Fondée par les quatre frères Walklett et installée aujourd'hui à Sheffield, Ginetta commercialise deux roadsters, la G 33, un haut de gamme motorisé par le V8 Rover de 3,9 litres, et la G 27, équipée du Ford Zetec 16 soupapes de 1800 cm3 et 140 ch. Archétypes du roadster anglais, les deux modèles ont gardé l'esprit sportif qui caractérise Ginetta depuis ses origines. Construits sur la même base, ils empruntent de nombreux éléments mécaniques à la Ford Sierra Cosworth.
S'inspirant de la philosophie de l'AC Cobra (toutes proportions gardées), Ginetta a eu l'excellente idée de monter le V8 Rover dans son petit roadster pour donner naissance à une sportive survitaminée. Avec 200 ch, pour une cylindrée de 3,9 litres, et 835 kilos, la voiture propose un rapport poids-puissance des plus alléchants. Le petit constructeur a appliqué la bonne vieille recette de l'architecture classique moteur avant-propulsion — avec un empattement court de 2,23 mètres et des voies étroites —, à laquelle il a apporté les qualités de rigidité de son châssis tubulaire (en acier galvanisé de section carrée), une tradition maison.
Design
Un doigt de Chrysler Viper, un zeste de Jaguar Type E pour la bouche ou… la gueule. En un mot, un look d'enfer ! A l'image de la fonction qui crée la forme, la silhouette de la Ginetta trahit la personnalité de la bête : le volume consacré au moteur occupe pratiquement la moitié de la voiture. De plus, l'immense capot s'est doté d'une protubérance pour loger le gros V8 et son collecteur d'admission ; ouverte, celle-ci favorise par la même occasion la respiration du monstre. Souligné par la livrée bleu de France à bande blanche, qui ne cultive pas les vertus de la discrétion, cet immense appendice nasal fait croire aux badauds béats que vous sortez tout droit des Hunaudières — alors que vous êtes bloqué dans un embouteillage pour sortir de Paris… Les formes arrondies de la Ginetta s'ornent de galbes réjouissants, rehaussés par des hanches sensuelles qui retombent sur un postérieur aussi avenant que bref. Une pureté de ligne que n'altèrent pas les paupières closes des phares rétractables.
S'installer au volant de la Ginetta requiert des qualités de souplesse, pour ne pas dire de contorsionniste ! D'une totale exiguïté, l'habitacle exclut d'office les grands gabarits : 1,80 mètre est déjà un maximum. Quant au pédalier mal commode, il oblige à placer sa jambe droite dans une pénible position de travers. D'emblée, c'est la surprise. Puis, on finit par s'y habituer… Mais dans ces conditions, le talon-pointe relève de dons réservés aux acrobates de cirque.
Assez complet, le tableau de bord réunit tachymètre et compte-tours, manomètre de pression d'huile, jauge d'essence et témoin de charge de la batterie. Mais tout est minimal dans la Ginetta, à l'instar du pare-brise, dont les angles morts fort gênants ne favorisent pas la visibilité latérale. C'est peu dire que le constructeur a fait la chasse au poids. Ne cherchez pas les vitres électriques (d'ailleurs il n'y a pas de vitres…), ni la climatisation. Naturelle, la ventilation fait appel à une énergie renouvelable, le vent. Une brise qui s'avère d'autant plus nécessaire que, généreuse, la Ginetta G 33 vous offre gracieusement le chauffage central, grâce aux vertus conjuguées du moteur en position reculée (près de la console) et des échappements traversant les pontons latéraux…
Moteur
Les ressources du V8 Rover
Contact. Le chant de la pompe électrique annonce le lancement de la fusée. Au ralenti, le V8 libère son ronronnement grave, synonyme à la fois de séduction et de menace, et annonciateur de plaisirs interdits (par la maréchaussée). Un flirt avec l'accélérateur et la montée dans les tours s'accompagne d'une sonorité chaleureuse qui est un enchantement. Certes, le V8 d'origine Buick est une mécanique bourgeoise, ni pointue, ni violente. Avec un régime maximum à 5280 tr/mn, on ne risque pas le vertige de l'altitude. Mais grâce aux remarquables ressources de son couple généreux, le moteur joue dans le registre progressif. Toujours disponible, il offre l'agrément de ses 29,6 mkg obtenus au régime relativement bas de 3500 tr/mn.
Quant aux accélérations, avec 200 ch et un poids plume, elles s'avèrent tout à fait convaincantes (5,3 secondes de 0 à 100 km/h et 12,7 secondes aux 400 mètres départ arrêté). La boîte de vitesses Ford à cinq rapports (type MT 75), associée à un différentiel et à un pont autobloquant Cosworth, se révèle agréable. La deuxième et la troisième, qui font bondir la voiture, sont un régal. En conduite version détente après chaleurs, les reprises en quatrième à 2000 tr/mn ne posent aucun problème et la puissance arrive grassement. Dans ce registre, celui des eaux calmes, la cinquième sur autoroute apporte la tranquillité. Evidemment, le V8 Rover peut donner plus. Moyennant un budget de l'ordre de 1820 €, le client peut faire travailler le vilebrequin pour donner une bonne trentaine de chevaux supplémentaires.
A l'image de ses conducteurs, aussi sportifs qu'avertis, la Ginetta n'a pas une mentalité d'assistée : elle refuse donc toute forme d'assistance hydraulique, que ce soit pour la direction ou les freins. Contact direct avec la réalité.
Sur la route
Sur la route, le look de la Ginetta G 33 lui vaut un vif succès populaire. Ce ne sont que pouces levés et témoignages divers d'admiration. Elle attire particulièrement la sympathie des jeunes, à l'image de ce groupe qui, dans la traversée d'un village, s'exclame : " Une Viper ! ". Plus tard, nos séances photos nous vaudront la visite d'un employé d'une grande entreprise nationale venu s'extasier longuement sur la voiture. Aussi passionné que bien informé des choses de l'automobile, il nous entretiendra abondamment des vertus du V8 Rover...
Réglable, la suspension de la Ginetta permet de doser le compromis confort et comportement dynamique. La voiture de notre essai était réglée en position dure, une solution qui ne présente pas que des avantages. Elle entraîne en effet une tenue de cap louvoyante sur mauvais revêtement à laquelle il convient de s'habituer. Sur les petites routes de campagne avalées à (très) vive allure, les limites de la tenue de route sont rapidement atteintes. Et sur autoroute, ce flou peu artistique laisse une impression qui ne pousse guère à vérifier la vitesse maximum de 240 km/h. En contrepartie, nous avons été enchanté par la tenue de la voiture sur parcours sinueux, où, malgré un train avant un peu paresseux (trait dû probablement au poids du moteur), sa vitesse de passage en virages serrés s'avère remarquable. S'accrochant à la route sur ses roues en alliage Fond metal chaussées de pneus Dunlop 9000 215/50 ZR 15, la Ginetta G 33 manifeste un caractère survireur moins accusé que nous l'imaginions. Si elle danse, elle le fait gentiment et son aisance dans les enchaînements de esses procure un grand plaisir de conduite. A l'évidence, le circuit est son jardin.
Voiture d'amateurs passionnés et sportifs (elle joue un rôle de deuxième ou troisième voiture), la Ginetta est un superbe jouet pour grand enfant (nous le sommes tous un peu). Toutefois, sa construction artisanale au moindre coût entraîne une finition qui laisse par trop à désirer. Pour 31200 € (tout de même), on serait en droit d'attendre une planche de bord de meilleure qualité, que l'on qualifiera pudiquement de souple, et des joints de caoutchouc qui ne se décollent pas ou ne sortent pas de leurs guides (portes et coffre arrière). Mais on pardonne volontiers ses défauts à ce petit bolide attachant. Bourrée de charme, la Ginetta G33 est une jolie fille qui attire la sympathie et procure des sensations...