Acheter une ALFA ROMEO Coupé Bertone
Gilles Bonnafous le 11/10/2002
Promis à une longue carrière de quatorze ans, le coupé Giulia Bertone a connu de nombreuses évolutions en rapport avec son succès commercial.
Un design signé Giugiaro
L'étonnante onctuosité de la mécanique du coupé Giulia Bertone, surtout si l'on tient compte de sa cylindrée modeste, continue de faire le bonheur de milliers d'amateurs. Cet agrément d'utilisation s'accompagne d'une technologie avancée, à l'image des soupapes d'échappement refroidies au sodium (à l'exception du moteur de 1300 cm3) ou du pont autobloquant sur la version 2000. Alfa Romeo a également été un précurseur de la boîte de vitesses à cinq rapports, un privilège réservé à l'époque aux Grand Tourisme de rang très supérieur.
Le coupé Bertone est l'œuvre du jeune Giorgetto Giugiaro. Alors âgé de vingt deux ans, ce dernier travaillait à l'époque pour le compte du célèbre carrossier turinois. Il en traça les lignes alors qu'il effectuait son service militaire, travaillant le soir dans une chambre d'hôtel grâce à quelques accommodements obtenus par Nuccio Bertone avec l'autorité militaire... La ligne est extrapolée du coupé 2000 de 1960, déjà projeté par le jeune homme décidément précoce. Du reste, la Giulia Sprint lui emprunte pratiquement l'intégralité de son pavillon.
Compact et d'une remarquable homogénéité, le design de cette 2 + 2 constitue une grande réussite, même si, pour notre part, il ne possède pas l'exceptionnelle élégance du coupé Giulietta, l'un des principaux chefs-d'œuvre de Bertone. La ceinture de caisse paraît un peu haute, ce dont pâtit le développement du pavillon. Cet inconvénient est heureusement compensé par l'ampleur de la surface vitrée, grâce au vaste pare-brise fortement incliné et à la belle lunette arrière, dont le caractère panoramique vaut au montant de custode une indéniable finesse. Esthétiquement, la face avant gagnera beaucoup avec la calandre à quatre phares (de diamètres inégaux) montée sur la 1750, un trait conservé sur le coupé 2000. Elle confère à la voiture une expression forte, voire agressive, qui manque quelque peu à la première calandre dotée de deux projecteurs. Cette proue jouera le principal rôle d'identification entre les versions, qui se succéderont pendant les quatorze années de carrière de cette génération de coupés.
1600 GT et 1300 GT Junior
Présentée en septembre 1963, la 1600 GT Sprint est construite dans la nouvelle usine d'Arese. Outre sa mécanique développant 122 ch SAE qui l'entraîne à 180 km/h, elle emprunte à la berline Giulia, apparue l'année précédente, son soubassement caissonné dont l'empattement a été réduit à 2,35 mètres. La face avant de ce modèle originel présente un décrochement formant prise d'air à la naissance du capot, tandis que la calandre se compose d'une grille d'où émerge le triangle Alfa Romeo entouré de deux projecteurs. Les clignotants verticaux se trouvent, quant à eux, positionnés à l'extrémité des ailes.
Traité dans un style sobre et élégant, l'habitacle entièrement revêtu de moquette apparaît luxueux pour l'époque. La planche de bord moulée dans un matériau synthétique noir reçoit quatre cadrans circulaires chromés disposés en ligne, alors que le pédalier est toujours fixé au sol. Gagnant trois chevaux en 1966, le modèle se voit adjoindre le qualificatif de Veloce, tandis qu'apparaît, à ses côtés, la 1300 GT Junior, une version économique et fiscalement allégée reprenant le moteur de la Giulietta.
Extérieurement, la Veloce se distingue de sa devancière par sa calandre à trois barres horizontales, son trèfle à quatre feuilles ornant le montant de custode et sa planche de bord garnie d'un revêtement en faux bois. Quant à la Junior, outre une décoration intérieure simplifiée, elle ne bénéficie que d'une seule barre de calandre. Elle n'en restera pas moins au catalogue jusqu'au terme de cette lignée de voitures (moyennant quelques refontes extérieures et intérieures), dont elle représentera plus de 40% de la production.
Coupé 1750, l'archétype
Avec l'apparition en 1968 de la berline 1750, qui reprend la flatteuse appellation des célèbres roadsters du début des années trente, le coupé entame une nouvelle carrière. Son comportement se trouve métamorphosé par l'augmentation de la puissance et surtout par l'amélioration du couple. Remplaçant la 1600, la nouvelle 1750 GT Veloce hérite du moteur de 1779 cm3 de la berline, dont les 132 ch SAE l'entraînent à 190 km/h. Parallèlement, des roues de 14 pouces se substituent à celles de 15 pouces.
Cette montée en puissance du coupé s'accompagne d'une mutation de la face avant, qui reçoit une calandre à quatre projecteurs et une seule barre horizontale. En même temps, les clignotants, déplacés sous les phares, prennent place sur les pare-chocs, tandis que disparaît l'arête située précédemment à la naissance du capot.
L'aménagement intérieur est profondément remanié : un nouveau tableau de bord reçoit un élégant module à deux cadrans circulaires abrités sous des "casquettes". Une console centrale fait également son apparition et les sièges baquets sont entièrement redessinés.
L'année suivante, la 1750 reçoit quelques modifications esthétiques mineures, à l'instar des pare-chocs affinés et dotés de butoirs verticaux, et des clignotants désormais intégrés à la jupe. Surtout, la voiture bénéficie d'un double circuit de freinage, d'un pédalier suspendu, ainsi que de nouveaux sièges à appuie-tête élargis. D'une certaine manière, ces améliorations font de cette 1750 de deuxième série une voiture plus proche (hormis son moteur) de la future 2000 que de la première série du modèle.
2000 GTV, l'aboutissement
Seconde étape décisive de son évolution, l'apparition en 1971 de la 2000 GT Veloce voit le coupé Bertone atteindre sa pleine maturité. Monté également sur la nouvelle berline 2000 et sur le spider, le moteur de 150 ch SAE (132 ch DIN) permet à la GTV de frôler le cap fatidique des 200 km/h. Un niveau de performances dont peu de voitures de la même catégorie pouvaient s'enorgueillir à l'époque, en dehors de la BMW 2002 Tii. Pour faire face à la puissance, la 2000 est équipée en série d'un pont autobloquant, un équipement qui n'était proposé qu'en option sur la 1750.
La nouvelle calandre se voit décorée de multiples barres horizontales dans lesquelles se fond le triangle Alfa Romeo, tandis que le serpent se substitue au trèfle sur le montant de custode. Incorporant les feux de recul, les optiques arrière sont aussi plus généreusement dimensionnés. Hélas, l'aménagement intérieur pêche par une finition plus toc que chic (en particulier le nouveau tableau de bord), qui apparaît assez déplacée. Produite parallèlement à la 2000 au cours de l'année 1971, la 1750 disparaît l'année suivante.
C'est alors qu'apparaît au catalogue la 1600 Junior, qui n'est en fait que la 1600 GTV ressuscitée après une éclipse de quatre ans et qui garde sa calandre à deux projecteurs. Sa puissance sera cependant ramenée à 102 ch DIN en 1974. Avec la 1300 Junior toujours en production, les coupés Bertone composent, dès lors, une gamme de trois modèles qui se maintiendront jusqu'au terme de cette lignée.
C'est en 1977 que le coupé 2000 Bertone s'efface, comme les deux modèles Junior, devant la nouvelle Alfetta 2000 GTV au charme moins convaincant. Au cours d'une carrière longue de quatorze années, la production totale de l'ensemble des modèles se monte à 210 495 exemplaires, dont 91964 pour la seule Junior. La diffusion des 1750 et 2000 se situe à un niveau voisin, aux environs de 40 000 voitures, tandis que la 1600 Veloce apparaît la plus rare avec 12 500 unités produites. Quelque peu démodés dans le paysage esthétique des années soixante-dix et quatre-vingt, les coupés Bertone se sont ensuite trouvés mieux intégrés dans les tendances du design, avec le retour en grâce des rondeurs au cours des années 90. Ces modèles restent bien les derniers représentants de l'âge d'or des quatre cylindres Alfa Romeo.
Coupé 2000 GTV : prise en main
Prendre le volant d'une Alfa Romeo des années 60 ne constitue jamais une expérience anodine. Malgré son âge respectable, le coupé Giulia 2000 GTV que nous avons essayé nous est apparu comme une voiture pleine de tempérament et toujours capable de tenir leur rang dans la circulation actuelle. De fait, cette Alfa a vraiment un cœur, voire une âme...
Sorti d'usine en 1971, le coupé 2000 GTV de notre essai appartient à la première année de production du modèle. Le moteur et l'ensemble des éléments mécaniques (freins, suspension) ont été refaits dans le respect de l'origine. Les sièges baquets, peu enveloppants, sont revêtus de cuir noir.
Ayant perdu son élégance sobre de jadis, notamment ses cadrans chromés, le style du tableau de bord s'est quelque peu dégradé sur ce modèle, tout comme le matériau de médiocre apparence. Sur le module en plastique, prennent place, entre le tachymètre et le compte-tours (dont la zone rouge débute à 5 700 tr/min) quatre petits cadrans circulaires: la température d'eau, la jauge à essence, ainsi que deux cadrans abritant divers voyants lumineux. Cet ensemble témoigne, comme la console, d'une finition en déclin. Nous observons également que les portières manifestent de la mauvaise volonté à se fermer.
Non assistée, la direction se révèle dure en manœuvres, mais agréable et précise sur route, tandis que le volant tulipé à trois branches tombe idéalement en mains. A haute vitesse, la stabilité n'apparaît pas sans reproches, et la tenue de cap, particulièrement sur revêtement inégal, s'avère quelque peu sujette à caution. C'est dans ce domaine que la voiture accuse son âge. En revanche, les quatre freins à disques se révèlent aussi progressifs qu'efficaces.
Si l'Alfa Romeo 2000 se comporte encore avec brio dans le trafic moderne, ses performances n'ont plus rien d'époustouflant aujourd'hui. Elles correspondent au niveau d'une bonne berline de classe moyenne. La différence se trouve ailleurs. Dans le plaisir de conduite et la sensualité de son moteur, qui constitue un véritable enchantement. Par rapport à la 1600, l'agrément se trouve métamorphosé par l'important supplément de puissance et l'amélioration sensible du couple. Les montées en régime sont également plus alertes et la vivacité du double arbre (équipé ici de deux doubles carburateurs Dell'Orto) est un régal. L'aiguille du compte-tours lèche la zone rouge à la moindre pression exercée sur l'accélérateur, tandis que souplesse et onctuosité composent un cocktail qui donne au plaisir de conduire un relief exceptionnel...
Musica…
Et puis, il y a la musique de ce moteur, tout simplement diabolique. A bas régime, chaque coup d'accélérateur libère un son grave et rauque, dans la tessiture mezzo, tandis qu'en flirtant avec la zone rouge, il nous gratifie de rugissements montant dans les aigus. Ainsi, selon le régime et le rapport de boîte, la partition module dans des tonalités plus ou moins graves pour nous gratifier d'une sorte de concerto pour clarinette et hautbois digne de Pleyel...
A l'instar d'une belle Italienne (c'est presque un pléonasme), cette félinité voluptueuse et enivrante constitue une invitation permanente au péché. Celui sanctionné par les radars (coïncidence, le coupé 2000 GTV est né au moment où étaient instituées les premières mesures de limitation de vitesse en France...) et qui se traduit par une obole supplémentaire au trésor public. Mais comment, dans un tel climat musical, résister à la tentation de laisser la puissance s'exprimer en toute liberté ?
Structure / carrosserie
Bonne nouvelle : les coupés Giulia Bertone ne présentent pas de vices de conception susceptibles d'en altérer l'usage. Mais il faut savoir que leur mécanique sophistiquée requiert un entretien scrupuleux, ainsi qu'un traitement respectueux. Amateurs négligents, s'abstenir...
Comme toutes les voitures des années 60 et 70, les coupés Alfa Romeo Bertone sont sensibles à la corrosion. Mais, contrairement à ce que d'aucuns veulent bien en dire, ils ne révèlent pas, de ce point de vue, une fragilité supérieure à la majorité des modèles de l'époque. Ils souffrent en réalité de la sinistre réputation des Alfasud, qui a rejailli sur toutes les Alfa Romeo de la période antérieure.
Un autre élément joue en leur défaveur, qui tient au mode de construction de leur structure. Attaquant les bas de caisse caissonnés, la rouille se remarque plus que sur les voitures construites de manière plus classique. Résistant plutôt bien, cette structure est rarement touchée et le seul danger peut venir de la traverse avant. Placée sous la batterie, celle-ci risque d'être endommagée par les suintements d'acide. C'est là un point à contrôler systématiquement avant tout achat.
Moins graves puisque n'affectant pas la structure de la voiture, les autres zones sensibles sont :
- les bas de caisse qui, en se prolongeant sur les ailes, communiquent à ces dernières leur oxydation
- l'entourage des ailes avant, où stagne l'humidité
- le fond du coffre
- l'entourage de la lunette arrière, qui cloque sous le joint (l'eau finit ainsi par s'infiltrer dans le coffre)
Les coupés Giulia ne connaissent heureusement pas de problèmes d'oxydation des chromes, tous les éléments de ce type étant réalisés en inox poli.
Signalons par ailleurs que tous les logos et insignes Alfa Romeo se volent fréquemment...
Moteur / transmission
S'agissant des suspensions, notons que le train avant, doté de vingt-deux articulations et rotules, est souvent affecté d'un jeu important. Et il est bien rare que quelques éléments ne doivent pas être remplacés. De même, il convient le plus souvent de changer les silent-blocs du train arrière (au nombre de six). Leur usure provoque un mauvais guidage, qui entraîne une forte instabilité de la voiture. Leur remplacement métamorphose littéralement le comportement routier.
Moteur 1600
S'agissant des suspensions, notons que le train avant, doté de vingt-deux articulations et rotules, est souvent affecté d'un jeu important. Et il est bien rare que quelques éléments ne doivent pas être remplacés. De même, il convient le plus souvent de changer les silent-blocs du train arrière (au nombre de six). Leur usure provoque un mauvais guidage, qui entraîne une forte instabilité de la voiture. Leur remplacement métamorphose littéralement le comportement routier.
Le moteur jouit d'une grande solidité, à la condition expresse de bénéficier d'un entretien rigoureux. La vidange doit être effectuée tous les 5 000 kilomètres, assortie du remplacement systématique du filtre à huile. Il est également impératif de monter des bougies Lodge à quatre électrodes, qui répartissent l'explosion sur toute la surface des pistons. Faute de quoi, ceux-ci peuvent se trouer au point d'impact de l'étincelle.
Par ailleurs, les brides souples de montage des carburateurs doivent être vérifiées régulièrement. Leur usure provoque l'apparition de fentes qui, avec l'entrée d'air, appauvrissent le mélange et provoquent une surchauffe du moteur. Tous les 20 000 kilomètres, les pastilles de soupapes doivent être réglées, ce qui oblige à retendre la chaîne de distribution et à recaler les arbres à cames. Enfin, il faut prévoir de remplacer le joint de culasse et les guides de soupapes tous les 100 000 kilomètres.
A l'exception de celles montées sur le 1300 cm3, qui sont susceptibles de griller, les soupapes, refroidies au sodium sur tous les autres modèles, ne posent guère de soucis. La 1750 de la première série a connu des problèmes de fiabilité liés à la rupture prématurée du joint de culasse. Ces ennuis ont disparu sur la deuxième série. Le bloc de la 2000 apparaît le plus fiable de tous grâce à son vilebrequin nitruré, pratiquement indestructible. Bien entretenu, ce groupe peut parcourir 200 000 km sans encombres, et même davantage. La réfection complète d'un moteur inclut systématiquement le nitrurage du vilebrequin.
Boîte de vitesses
C'est finalement la boîte de vitesses qui constitue l'élément mécanique le plus fragile. Il faut dire qu'elle a souvent été malmenée par des conducteurs peu scrupuleux, passant les rapports à la hâte en accrochant les pignons. Ses points faibles sont le synchro de seconde et la marche arrière qui a tendance à décrocher. Pour les "pieds de plomb" habitués à envoyer brutalement la puissance, la transmission joue un rôle de fusible au niveau des croisillons (au nombre de deux), dont le remplacement constitue une réparation bénigne.
Précisons enfin que trois marques de carburateurs ont été montées sur les Giulia : Weber (le plus courant en France), Dell'Orto et Solex. Si ce dernier est à éviter, les deux autres apparaissent d'égale valeur. Le Weber présente toutefois l'avantage de pouvoir être transformé pour la course.
Toutes les pièces mécaniques sont disponibles, ainsi que l'ensemble des éléments de carrosserie courants. Les pièces complètes, telles qu'une porte ou une aile, apparaissent chères, mais il est rare de devoir les changer entièrement. S'agissant des portes, la réparation se limite à en changer la partie inférieure, une intervention facilitée par le caractère plan de la tôle et l'absence de moulure.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 11/10/2002, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.