Acheter une SIMCA 1000 et 1200 S Bertone
Gilles Bonnafous le 01/01/2004
Héritier d'une tradition qui remonte aux origines de la marque, le coupé Simca 1000 Bertone apparaît aussi comme la réplique de Poissy à la Renault Floride. Jugé trop tendre dans son design comme dans ses performances, il cédera la place à la 1200 S dotée d'un réel tempérament sportif.
La Simca 1000 et le tout à l'arrière
Très prisées de nos jours, les sixties sont associées à quelques repères symboliques, comme les yé-yé, BB et sa choucroute blonde sur la tête… ou les voitures à moteur en porte-à-faux arrière. Dès 1947 avec la 4 CV, Renault fut en France le pionnier de cette formule. Tout le monde y viendra au fil des années 50 pour consacrer le triomphe de cette architecture dans la décennie 60.
Simca s'y résoudra avec un certain retard en lançant la berline 1000 en 1961. Il n'est pas inutile de rappeler la place de ce constructeur, aujourd'hui méconnu des jeunes, dans le paysage automobile français des années 50 et 60. Simca — alors l'un des grands aux cotés de Renault, Citroën et Peugeot — propose une gamme diversifiée, avec dans le rôle de vedette l'Aronde et ses avatars. Mais la base de cette voiture, qui remonte au début des années 50, a beaucoup vieilli. Dépassée, l'Aronde est à bout de souffle et le renouvellement de la gamme s'impose.
Présentée en septembre 1961, la Simca 1000 se voit chargée du bain de jouvence nécessaire au catalogue de la firme de Poissy. Jolie et nerveuse, d'une ligne tout à la fois moderne et sobre, elle sera bien accueillie et s'acquittera fort bien de sa mission.
Un coupé dans la tradition Simca
Parmi les dérivés envisagés de la Simca 1000, Pigozzi, le père de Simca, retient en priorité le coupé, dont la mission sera de conserver à la marque la clientèle de la Plein Ciel (curieux nom pour un coupé…) proposée en 1957 en même temps que le cabriolet Océane. Ces deux modèles s'inscrivent dans une longue tradition, qui, remontant pratiquement aux origines de la marque, a été poursuivie après la guerre par les coupé et cabriolet Simca 8 dessinés par Pinin Farina et construits par Facel (1948 et 1949), ainsi que par le coupé Facel sur base Aronde et le cabriolet Week-End de 1955.
Le coupé 1000 se propose également d'apporter une réplique à la Floride de Renault dont la ligne superbe, sinon les performances, vaut à la voiture une belle popularité. L'époque est d'ailleurs propice à l'éclosion de petits coupés plus ou moins sportifs, auxquels Bertone prête souvent son talent. A l'image de la charmante et minuscule NSU Prinz Sport de 1959, ou de l'ASA 1000 (1964) beaucoup plus puissante et à la conception de laquelle a participé Ferrari.
Lors d'entretiens qui se déroulent à Turin en décembre 1961, commande est passée à Bertone de douze prototypes du futur coupé qui devront être prêts pour le Salon de Genève de l'année suivante. Les délais ayant été respectés, le coupé Simca 1000 Bertone fait son apparition dans le cadre du salon helvétique en mars 1962.
Entré en production pendant l'hiver 1962-1963, le modèle de série présentera quelques modifications de détail, à l'image des clignotants déplacés au-dessus des pare-chocs. Remarquable de finesse et d'homogénéité, la voiture affiche une élégance raffinée et presque délicate. D'où un look quelque peu féminin. Cette caractéristique lui sera d'ailleurs reprochée et cette étiquette de voiture de femme va la desservir commercialement. La face avant très dépouillée est dominée par des phares imposants, comme de grands yeux qui ajoutent un petit air espiègle à la personnalité plutôt sage de la voiture… Quant au dessin très réussi du pavillon, il apparaît proche de celui de la NSU Prinz Sport. Nous avons affaire à de l'excellent Bertone, et son projet a été - à juste titre - préféré à celui de Facel.
Une voiture trop tendre
Emprunté à la berline, le moteur à cinq paliers voit sa puissance légèrement augmentée pour passer à 40 ch DIN (au lieu de 34 ch sur la berline de 1961). La voiture peut ainsi atteindre le seuil — important à l'époque pour une petite voiture de série — de 140 km/h. Elle est de plus équipée de quatre freins à disques Bendix. Pour autant, il ne s'agit pas d'une voiture de sport, loin s'en faut. Sa vraie nature est plutôt celle d'une Simca 1000 habillée en coupé par un couturier de grand talent. Aussi douce dans son design que tendre par sa motorisation, la belle a un cœur de princesse. Et sa tenue de route ne paraît pas exempte de toute critique. Par contre la finition s'avère plus soignée que celle de la berline.
Un design insuffisamment agressif conjugué à des performances modestes a fait du coupé 1000 une voiture manquant de mordant. Ceci explique le peu de succès du modèle et les espoirs déçus de la marque. Celle-ci a sans doute raté le coche en se contentant de monter le moteur de la berline à peine retouché, au lieu de proposer une voiture au réel caractère sportif. Selon les sources (aucune n'est certaine, les numéros de série des coupés étant confondus avec les berlines), entre 10 000 et 11 000 exemplaires ont été réalisés jusqu'en 1966. Mais la production se concentre essentiellement sur les deux millésimes 1965 et 1966, qui en représentent les deux tiers. On observera que la voiture bénéficie de la garantie de deux ans appliquée à l'ensemble de la gamme Simca.
La 1200 S : Puissance et virilité
mca a bien compris la leçon et la marque revoit sa copie pour faire du coupé 1000 un modèle authentiquement sportif. Baptisée 1200 S, la nouvelle venue est présentée en juin 1967. Ce nouveau tempérament doit être clairement visible. Il se traduira donc dans le look de la voiture, qui devra être plus viril. Non avare de moyens, Simca a surchargé la face avant d'attributs suggérant la puissance. A l'image des quatre phares de fort diamètre et des projecteurs à iode, qui prennent place dans la grande grille de calandre abritée par un nez de requin. De même pour les larges sorties d'air disposées sur le capot — pour cause de radiateur placé à l'avant afin de répondre aux nouveaux besoins du moteur. Quant aux petites grilles placées dans le profil de la gueule béante de la calandre, elles servent à l'aération de l'habitacle.
Parée de cet avant bondissant, la 1200 S fait forte impression. Mais elle perd en même temps la pureté du dessin de la 1000 — on serait tenté de dire qu'elle abandonne sa virginité originelle. Paradoxe pour un modèle à moteur arrière, la poupe, qui a gardé sa grande finesse, apparaît comparativement d'une étonnante discrétion. D'où un certain déséquilibre entre les parties antérieure et postérieure de la voiture. On note la présence sur le capot d'un logo Simca sur fond révélateur de drapeau à damier, ainsi que de feux de recul circulaires qui permettent d'identifier aisément la 1200 S de l'arrière.
L'habitacle offre un équipement et une finition de bon niveau pour une petite cylindrée de cette époque. Le volant à trois branches, d'abord en bois, se contentera ensuite d'une imitation en plastique, tout comme le revêtement du tableau de bord qui remplace la tôle peinte du coupé 1000. Trois cadrans circulaires font face au conducteur, avec le compte-tours en position centrale dont la zone rouge commence à 6250 tr/mn. Les sièges, dont il existe une option cuir, sont bien dessinés, mais leurs dossiers se trouvent dépourvus de tout réglage. Sans être spacieuses, les places arrière ne sont pas ridicules et peuvent accueillir deux enfants, justifiant l'appellation de 2 + 2. Par ailleurs, elles disposent de dossiers qui, en se rabattant, forment une plate-forme destinée à accueillir des bagages. Occupé par le radiateur, la roue de secours et la batterie, le coffre à bagages offre une capacité que nous qualifierons de symbolique…
Un vrai tempérament sportif
Après le plumage, voyons le ramage. Extrapolé du 944 cm3, le nouveau 1204 cm3 super carré délivre 80 ch DIN à 6000 tr/mn, soit pas moins du double de la puissance du coupé 1000 ! C'est dire combien la personnalité de la voiture a évolué… Incliné de 15° sur la gauche et gavé par deux gros carburateurs double corps Solex de 35 millimètres, le moteur voit son taux de compression monter à 10,25 et son couple passer de 6,5 mkg à 10,5 mkg. Un alternateur remplace la dynamo, tandis qu'une double sortie d'échappement équipe les premières versions. Pour faire face à la forte amélioration des performances, la suspension a été renforcée. Elle reçoit une barre stabilisatrice à l'avant, alors que le ressort à lames transversal est fixé en son milieu sur une traverse en tôle emboutie. A l'arrière, le carrossage négatif a été nettement accentué. Bien que la 1200 S accuse cent kilos supplémentaires par rapport à la 1000, elle bénéficie d'une meilleure répartition des masses avec 350 kilos sur l'avant et 540 kilos à l'arrière.
L'épreuve de la route confirme les excellentes dispositions de la voiture. Grâce à la 1200 S, nous voilà replongés dans le vert paradis de notre jeunesse et le plaisir des glissements (plus ou moins) progressifs des petites "tout à l'arrière", légères et hyper survireuses… On aime à s'enivrer du jeu excitant des balancements et contre-braquages, que favorisent la fermeté de la suspension et la précision de la direction — pour les voitures à crémaillère, les versions à vis et galet s'avérant un peu lourdes. Par rapport à la 1000, la tenue de route a été nettement améliorée, en particulier la stabilité en ligne droite et le roulis. Maniable et franche dans ses réactions, la voiture apparaît nettement plus saine dans son comportement.
Très pointu, le moteur ne libère ses chevaux qu'au-delà de 4000 tr/mn. Au-dessous de ce seuil, c'est le manque de souplesse qui prévaut, les reprises à bas régime se traduisant par quelques cliquetis et à-coups significatifs. Heureusement, la boîte de vitesses de la Simca 1000 fait merveille. Son agrément et sa douceur, comme la qualité de l'étagement et de la synchronisation, ont fait sa réputation. Les pédales rapprochées, bien que très déportées vers la droite, favorisent "le jeu au pied" de la conduite sportive. Quant au freinage (à double circuit), il se révèle satisfaisant, bien que perfectible en utilisation intensive. Enfin, la consommation paraît très raisonnable (pour l'époque), avec des valeurs de huit litres en conduite tranquille et de douze litres en sollicitant la mécanique.
Un succès mitigé
Quelques améliorations seront apportées au fil de la carrière du modèle,dont la direction à crémaillère (en 1969) qui en constitue la plus importante. Un servofrein et des sièges inclinables complèteront l'équipement, ainsi qu'un toit à revêtement de vinyle qui apparaîtra en 1971 (mais est-ce réellement un progrès ?). Parallèlement, des roues en alliage figureront en option. Le moteur gagnera également cinq chevaux grâce à une culasse et à des échappements modifiés, permettant à la voiture d'accrocher les 175 km/h — performance remarquable eu égard à la cylindrée. Les accélérations ne sont pas en reste avec un excellent temps de 34 secondes au kilomètre départ arrêté. L'Alfa Romeo 1300 est battue (tout comme la MGB GT et ses 1800 cm3), tandis que la Triumph GT 6 est égalée, non obstant ses deux litres de cylindrée.
Pour autant, on ne verra pratiquement pas la 1200 S en course, bien qu'Henri Chemin ait créé en 1968 un challenge récompensant les possesseurs de Simca engageant leur voiture en compétition. Elle sera aperçue au Critérium des Cévennes, et une version groupe 6 sera réalisée après avoir subi une cure d'amaigrissement de 150 kilos (avec notamment une carrosserie en aluminium). Accolé à une boîte de vitesses de Simca Abarth, son moteur verra sa puissance portée à 105 ch. Mais la 1200 S s'effacera devant la CG plus compétitive.
L'accueil réservé par le public à la 1200 S s'est révélé bon, sans plus. La firme espérait mieux de son coupé revitaminé, de sorte que Chrysler, peu convaincu par le modèle, en décide le retrait en 1971. La voiture est en partie sacrifiée à la nouvelle stratégie liée à l'accord passé avec Matra. De 1967 à 1971, 14 741 exemplaires ont été construits, dont la plus grande part en 1968 et 1969.
Des voitures à redécouvrir
Premier et dernier coupé sportif produit par Simca, la 1200 S apparaît comme une voiture au design suggestif dotée d'une mécanique brillante. Elle n'était pas loin des performances des Alpine équipées du moteur de la R8 Gordini. De sorte que devant le succès très mitigé de la voiture, on éprouve un sentiment d'inachevé. N'y avait-il pas place en France pour deux modèles proches par leur style et leur inspiration ? Le marché était-il insuffisant pour plusieurs petits coupés à hautes performances, peu habitables et manquant de confort ? Surtout, c'est l'appui de la compétition qui a fait gravement défaut à la Simca. Le succès d'Alpine et à fortiori de Porsche prouve à l'évidence que la notoriété de modèles de ce type se construit sur la course.
La 1200 S a-t-elle souffert, comme on le prétend parfois, de la concurrence de la R8 Gordini ? Si les deux voitures sont proches par leurs performances, elles appartiennent à deux genres bien différents ; il nous paraît difficile de comparer un coupé aux lignes séduisantes à une berline au design banal.
A l'instar des Simca postérieures à l'Aronde, les coupés 1000 et 1200 S pâtissent aujourd'hui en collection d'un déficit d'image, qui fait écho au positionnement flou de la marque dans les années 60 (et encore plus dans les années 70). Ils sont également affectés par le succès des Alpine, dont ils sont dépourvus de la légende. Il leur manque l'aura de la compétition qui anoblit l'identité et forge les mythes. Pour autant, ceci n'enlève rien à leurs qualités intrinsèques. Encore méconnus de nos jours par les collectionneurs, les coupés Simca 1000 et 1200 S sont des voitures à redécouvrir.
Guide d'achat et d'entretien
Les coupés Simca 1000 et 1200 S ont mal vieilli. Le passage par le marché de l'occasion leur a été particulièrement néfaste, de nombreux jeunes ayant beaucoup tiré sur leur moteur sans en prendre le soin nécessaire, ni lui octroyer l'entretien que son brio nécessite (s'agissant du 1200 S). Ajoutez à cela la corrosion, il en résulte aujourd'hui un taux de survie assez faible. La rouille affecte en particulier les bas de caisse, les ailes, le coffre avant où l'eau stagne, ainsi que le toit sur lequel l'humidité s'infiltre sous le revêtement de vinyle — pour les derniers exemplaires qui en sont dotés.
Quant au moteur, il se révèle finalement plus robuste qu'on ne pourrait l'imaginer. Sur le 1200 S, il convient de veiller au bon réglage (quelque peu délicat) des deux carburateurs Solex double corps. Certaines pièces mécaniques peuvent poser problème, la boîte de vitesses notamment. Tous les éléments liés au décor de la voiture se font rares (chromes et logos), comme les pièces de carrosserie, telles que le pare-brise.
La cote se situe aux environs de 5500 € pour un exemplaire en bon état. De préférence, on choisira pour le 1200 S un exemplaire postérieur à 1968 (notamment pour la direction à crémaillère). Quelques dizaines de coupés, dont une majorité de 1200 S, sont recensés par le club Simca, mais tous ne sont pas roulants.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 01/01/2004, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.