Essai MASERATI Quattroporte
Jean-François Destin le 06/09/2004
Quattroporte est un terme qui restera à jamais attaché à l'histoire de Maserati. Première Maserati de l'ère Ferrari, elle symbolise la renaissance attendue.
Présentation
Même si Maserati n'a pas su, comme Ferrari, entretenir sa légendaire histoire, la marque au Trident reste chère au cœur des amateurs de sportives italiennes. Après de longues années d'errances, Maserati revenue dans le giron de Fiat en 1993 a été sauvée par Ferrari, son ennemi héréditaire. En prenant le contrôle de Maserati en 1999, la firme de Maranello a estimé que le coupé V8 bi-turbo lancé à l'automne précédent constituait une solide base de travail pour reconstruire une gamme Grand Tourisme sportif de haut niveau. Après le spider dérivé du coupé, la très attendue Maserati Quattroporte est enfin apparue au Salon de Francfort 2003.
Quattroporte qu'il est facile de traduire (quatre portes) est un terme générique qui restera à jamais attaché à l'histoire de Maserati. Le constructeur italien, parmi toutes les griffes sportives élitistes, a été le seul à s'intéresser au créneau étroit des limousines sportives. Et ce, dès 1963, avec un modèle V8 4.2l très rapide (240 km/h) dessiné par Frua et déjà baptisé Quattroporte. La version II lancée en 76 sous la robe de Bertone rentre dans le rang à tous points de vue en acceptant un V6 de 210 chevaux. Puis, en 78, un retour au V8 de 4.9l cette fois associé à une carrosserie de Giugiaro permettra à Maserati de réaliser les meilleures ventes du modèle (2110 unités) jusqu'en 99. Passons sur la « Small », variante raccourcie, qui ne parvint pas avec un V6 turbo de 326 chevaux à faire oublier son aînée.
Ce coup d'œil dans le rétroviseur permet de mieux comprendre et apprécier la Quattroporte d'aujourd'hui. Première Maserati de l'ère Ferrari, elle symbolise la renaissance attendue grâce surtout au design magistral de l'équipe de Pininfarina. Classique et baroque pour certains, pur, sportif et racé pour d'autres, le style interpelle et provoque une émotion unique. Difficile de croire que l'on se trouve en présence d'une berline de plus de 5 mètres. Le résultat d'une savante alchimie des proportions (capot, habitacle, coffre) et d'une simplicité évidente du dessin des pare-chocs, de la proéminente grille de calandre, des phares et des feux arrière.
En matière de style, on se trouve à des années lumières d'une BMW Serie 7 aux traits maniérés. Cette présentation ajoutée au spacieux et très raffiné habitacle et aux performances routières font de cette Maserati Quattroporte un modèle exclusif sur le marché. On peut bien sur lui opposer une Audi A8 version longue ou une Mercedes Classe S AMG mais ces berlines germaniques si pointues soient-elles ne distillent pas ce parfum enivrant du Grand Tourisme de prestige à l'italienne.
Seul bémol dans ce concert de louanges : une boite robotisée lente et génératrice d'à coups de transmission. Un handicap que ne méritait pas le redoutable V8 Ferrari de 400 chevaux. Même les Américains n'auront pas droit à une boite automatique absente des options. Incompréhensible.
Vendue 103.400 €, la Maserati Quattroporte rencontre déjà un succès d'estime des deux côtés de l'Atlantique et ceux qui veulent passer commande devront s'armer de patience.
Design
Pour mieux apprécier la silhouette féline de la Quattroporte, il est conseillé d'en faire lentement le tour et mieux, d'essayer de la découvrir d'en haut. On comprend pourquoi les stylistes de Pininfarina n'ont eu besoin d'aucun artifice pour exprimer la latinité de la voiture. Pas de pare-chocs boucliers agressifs, pas d'ailerons ou de déflecteurs superflus, pas d'optiques maquillés comme sur une BMW Serie 7. Ici les proportions et les lignes étirées suffisent à donner une majesté sportive à la carrosserie avec, en point d'orgue, des liaisons douces entre le long capot et le pavillon et à l'arrière entre la vitre de custode et le couvercle de malle.
Clin d'œil au passé : les trois ouïes latérales d'aération rendant hommage à la Berlinetta, première création de Pininfarina pour Maserati.
Vue de face, la Quattroporte est déconcertante de simplicité avec ses optiques apparemment anonymes et sa calandre sans fioritures. Même discrétion de présentation à l'arrière avec des feux en triangle et deux paires de sorties d'échappement. Et pourtant la Quattroporte suscite une émotion intense qui donne irrésistiblement envie de s'installer au volant.
Habitacle
Unanimement reconnus comme les maîtres de la mode et du bon goût, les Italiens peinent à concevoir des intérieurs de voitures raffinés jusqu'au moindre détail. Certes, une fois la portière refermée, on se trouve bien à bord d'une berline sportive statutaire et de haut de gamme. Mais immédiatement certains composants choquent. On citera le volant noir, la console centrale massive et désuète et des implantations de commandes en plastique très bon marché et mal placés (essuie-glace et code/phare). S'ajoutent les fragiles palettes de la boite de vitesses trop grandes et peu agréables à manipuler. Et pas question de chercher une autre commande car sur la console centrale a été placé un simple petit inverseur marche avant/marche arrière chromé.
Mais rassurez-vous, les motifs de satisfaction ne manquent pas avec en premier lieu une sellerie en cuir pleine peau remarquable que l'acheteur peut obtenir en beige, marron ou gris et marier (en option !) avec trois assortiments de bois précieux (palissandre, acajou et noyer). Faute de boite, la planche de bord sera en finition plastique d'aspect titane. On note aussi des touches de chrome pour les clenches de portières par exemple, un vide-poche réfrigéré sous l'accoudoir et un chargeur CD sous la colonne de direction.
Compte tenu des dimensions importantes de la voiture, l'espace habitable se révèle exceptionnel notamment à l'arrière où les occupants bénéficient comme à l'avant de sièges à dossiers inclinables. En revanche, le coffre peut paraître modeste (450 dm3) mais Maserati a prévu de vous vendre 5 valises sur mesure (3500 € en option !) pour mieux exploiter sa contenance.
Châssis
Avec un système Transaxle (moteur avant, boite à l'arrière relié par un tube de rigidification), un empattement de plus de 3 mètres, des voies larges, des pneus de grandes dimensions, il semble aisé d'offrir un châssis équilibré et efficace. Maserati y parvient en se jouant d'un poids frisant pourtant les 2 tonnes. Les doubles triangulations associées à l'amortissement piloté avalent sans brocher les routes dégradées en assurant un guidage quasi parfait de la voiture. Et ce, sans malmener les occupants. Opter pour le mode "sport" à partir d'un bouton n'apporte qu'un gain de comportement mineur (rapports de boite plus courts, raffermissement de la suspension, direction plus directe) mais dégrade franchement le confort. Il est quasi certain que 90% des possesseurs de la Quattroporte n'y auront jamais recours. A faible vitesse, on pourra seulement regretter des trépidations de suspension et des prises de roulis importantes (au franchissement des ronds-points par exemple).
Moteur
Lorsqu'on appartient à Ferrari, faire son marché moteur ne pose aucun problème. Maserati a naturellement choisi le V8 4.2l de 400 chevaux, dérivé de celui de la Modena. Sa cylindrée est donc passée de 3.6l à 4.2l et bon nombre de modifications ont été opérées pour augmenter le couple et améliorer sa souplesse. Un gros travail a concerné également la ligne d'échappement avec pour conséquence fâcheuse un assourdissement des feulement rauques et caverneux du V8. Dans l'habitacle, on perçoit à peine les accents Ferrari. En revanche, les passants ne restent pas indifférents au passage de la Quattroporte.
Côté transmission, Maserati a innové mais ne laisse aucun choix : l'acheteur doit composer avec une boite mécanique robotisée MDS maison à 6 rapports avec mode automatique. Sur la Modena, elle m'avait séduit par sa rapidité d'exécution et sa (relative) douceur de passage. Cette fois, il faut subir. En mode automatique surtout lorsqu'on décide de conduire sportivement en laissant le pied droit enfoncé sur l'accélérateur. Non seulement, la boite prend son temps pour changer de rapport mais elle génère une désagréable retenue d'une bonne demi-seconde qui déclenche le salut en avant de tous les occupants. En mode manuel, on décide soi-même le moment du changement de rapport. Et il suffit de soulager un peu l'accélérateur au moment où l'on fait appel à la palette de commande (derrière le volant).
La clientèle visée étant plus argentée que sportive , pourquoi ne pas proposer une vraie boite automatique ou une boite robotisée évoluée à l'instar de la stupéfiante DSG à double embrayage mise au point par VW ? Chez Ferrari/Maserati France, on n'apporte aucun réponse à cette question.
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Sur la route
La portière refermée, les réglages électriques du siège choisis, on se sent impressionné au volant de cette imposante berline de plus de 5 mètres. Un léger stress entretenu soudain par le bruit irrégulier du V8. Des craintes vaines car la Quattroporte se pilote avec une grande aisance à peu près partout. En ville grâce à son exceptionnel rayon de braquage et la souplesse du moteur. Sur la route où la grande rigueur du châssis met immédiatement en confiance.
Nous ne reviendrons pas sur les inconvénients liés à la boite robotisée évoqués précédemment. Attardons nous plutôt sur la stabilité de cette Maserati prête à nous emmener à très haute vitesse. Faire un essai sur routes ouvertes d'un modèle aussi performant relève d'une partie de gendarmes et voleurs avec à la clé une suspension de permis. C'est d'autant plus vrai que l'ambiance feutrée gomme presque totalement l'impression de vitesse jusqu'à ce qu'on découvre que le 200 km/h s'approche.
A l'attaque de plusieurs courbes au revêtement dégradé et d'un pif-paf mauvais sur un passage à niveau en dévers, les liaisons au sol ont joué leur rôle tampon sans générer de roulements de caisse. Du beau travail qui consacre aussi la motricité. Faire passer 400 chevaux par les seules roues arrière même avec un antipatinage évolué réclame aussi des épures de suspension soignées. La direction fait également partie des points forts. En revanche, en utilisation intensive, le freinage a tendance à s'altérer au rythme de l'allongement de la course de la pédale.