Acheter une MASERATI Biturbo
Didier Lainé le 19/08/2004
C'est une longue lignée de Maserati qui a succombé au culte dévastateur du double turbo entre 1981 et 1993.
Initiation à l'espèce
La fille préférée d'Alejandro
Au milieu des années 70, Maserati est au plus mal. La première crise énergétique a fait son oeuvre, sans oublier la désastreuse gestion menée par Citroën. Pourtant, lorsqu'il reprend les rênes de la firme moribonde, Alejandro DeTomaso semble croire à un possible renouveau. Malgré le contexte économique peu favorable, la petite marque au trident possède encore une image forte et sa gamme de modèles Grand Tourisme n'a rien à envier à celles de ses principales rivales. Pourtant, DeTomaso pressent que la firme ne pourra survivre plus longtemps en s'appuyant sur les très coûteuses Khamsin, Merak SS qui attirent de moins en moins de clients. C'est sous son égide que les ingénieurs de la marque vont donc plancher sur une série inédite destinée à une cible beaucoup plus large.
Lancée fin 1981, la Maserati Biturbo consacre une rupture radicale avec le passé de la marque. Plutôt discrète en apparence, cette sobre berline 2 portes dessinée par le styliste Andreani (très influencé par Giugiaro, semble-t-il) pourrait presque être confondue avec une "quelconque" BMW 320. Seule sa proéminente calandre à fine grille chromée ornée du légendaire trident modenais rappelle ses origines italiennes. Un coup d'oeil à l'intérieur suffit heureusement à rassurer les fidèles de la marque : richement présenté, l'habitacle de la Biturbo fait assaut de matières raffinées (boiseries chaleureuses, cuir ou Alcantara au programme) qu'on ne rencontre guère sur les berlines de grande série. Sous le capot, le V6 2 litres déjà monté sur la Merak (un groupe initialement réservé au seul marché italien) et dérivé de celui de la Citroën SM a repris du service, moyennant quelques aménagements circonstanciés. Gavé par 2 turbos IHI, ce moteur à l'architecture sophistiquée (2 ACT par banc et 3 soupapes pâr cylindre) affiche pas moins de 180 ch DIN à 6000 tr/mn et 26 mkg de couple à 3000 tr/mn. Pour l'époque, un tel rendement apparaît exceptionnel : les 90 ch/l sont franchis et l'on peut tabler sur des accélérations franchement décoiffantes : la première Biturbo 2 l promet ainsi 7, 2 secondes de 0 à 100 et la vitesse de pointe annoncée dépasse les 215 km/H. Succès quasi-immédiat : en 1981, la production totale de Maserati n'atteignait pas 500 exemplaires. L'année suivante, elle aura déjà quadruplé ! Et en 1984, elle frôlera les 6500 unités, un record historique à l'échelle de Maserati. Il est vrai que la gamme Biturbo est proposée à des prix "presque" raisonnables : les tarifs du catalogue démarrent à 200 000 F environ, soit autant ou quasiment qu'une Audi 200 Turbo. Jamais Maserati ne s'est jusqu'alors aventuré sur un tel terrain.
Une gamme complète
Ces excellents résultats vont inciter Alejandro DeTomaso à développer toute une gamme autour du concept Biturbo : à la berline 2 portes s'ajouteront bientôt une version 4 portes, un spider et un coupé (228). En parallèle, plusieurs motorisations seront extrapolés du V6 : du 2 litres initial, on arrivera à 2, 8 l sur les ultimes dérivés, un V8 3,2 l Biturbo en étant même extrapolé pour le coupé Shamal . La dénomination Biturbo sera conservée au catalogue jusqu'en 1993 mais les modèles ultérieurs (Ghibli, Quattroporte 2,8 l et 3,2 l et Shamal.) resteront fidèles à ce concept quelques années encore, la reprise de la marque par Ferrari en 1998 consacrant ensuite une nouvelle ère pour Maserati.
La génération Biturbo ayant connu une diffusion très satisfaisante en France, on ne s'étonnera donc pas de trouver beaucoup d'exemplaires à vendre sur le marché de l'occasion. A presque tous les prix : 4500 Euros suffisent encore à acquérir une Biturbo 2 l des premières années en très bon état mais il faut compter au moins 20 000 Euros pour une Ghibli V6 datant du milieu des années 90.
Entre passion et raison
Entre ces deux extrêmes gravitent la majeure partie des offres, le pire côtoyant souvent le meilleur, et ce, quel que soit le prix affiché. Le nombre de versions étant ce qu'il est, l'amateur devra faire l'effort de se documenter sérieusement avant d'opter pour un modèle bien déterminé. Certaines Biturbo sont en effet plus "fréquentables" que d'autres, la fiabilité de cette série ayant en effet progressé de façon significative au fil des ans. Quoiqu'il en soit, l'achat d'une telle voiture ne saurait procéder uniquement de critères fonctionnels : la Maserati Biturbo reste un beau "piège" plus ou moins ruineux à l'usage. Un piège qui vous fera vivre des moments privilégiés sur la route et vous laissera des souvenirs cuisants si vous ne savez pas comment "gérer" ses sautes d'humeur. Difficile en tout cas de dresser un bilan générique de l'espèce : selon certains utilisateurs, une Biturbo peut se révèler fiable au quotidien, pour d'autres, l'accumulation de factures finit par lasser les meilleures volontés. A vous de trouver la juste moyenne...
Moteur / transmission
Moteur
Sur tous les V6 Biturbo, l'état de la distribution et son suivi régulier en entretien sont des critères essentiels à prendre en considération avant toute décision d'achat. Sur les premières versions à 18 soupapes, la courroie de distribution et son galet tendeur doivent ainsi être changés tous les 40 000 kilomètres et tous les 25 000 kilomètres sur les Biturbo 24 soupapes ultérieures. Autant dire qu'un examen minutieux des factures d'entretien est un préalable indispensable, surtout si l'exemplaire convoité a dépassé les 100 000 kilomètres. Le jeu aux soupapes doit également être contrôlé tous les 20 000 kilomètres, un cap qui coïncide avec le changement des joints de boïtier des arbres à cames. Toute négligence sur ce plan entraîne inévitablement un fonctionnement erratique à terme, un ralenti saccadé ou des accélérations heurtées, signe d'un calage des arbres déficient ou d'un jeu aux soupapes trop important. A signaler, en outre, que les premiers modèles à carburateurs sont assez difficiles à régler correctement. Mieux vaut donc privilégier les versions à injection, moins "pointues" et plus faciles à vivre dans la perspective d'un usage régulier.
Moteur exigeant par nature, le V6 Biturbo mérite une huile de synthèse de première qualité (vidange à prévoir tous les 5000 kilomètres) et le choix des bougies est également primordial. Bon à savoir : un moteur bien traité ne doit pas consommer d'huile de façon significative. Par principe, un propriétaire respectueux laissera tranquillement monter la température (eau et huile, surtout) avant de solliciter les hauts régimes. De même laissera-t-il le moteur tourner quelques dizaines de secondes au ralenti après toute utilisation intensive, un arrêt brutal ayant évidemment pour effet de "griller" avant terme les deux turbos (préférez autant que possible les versions avec turbos refroidis par eau).
Si l'on trouve quasiment toutes les pièces mécaniques chez les spécialistes, celles-ci sont généralement chères et les factures de révision peuvent également surprendre par leur montant. CQFD...
Boîte
La boîte manuelle à 5 rapports exige une vidange de son lubrifiant tous les 40 000 kilomètres, le différentiel devant quant à lui être vidangé tous les 10 000 kilomètres seulement. Deux types de boîte ont été montées sur les Biturbo : ZF et Getrag (très tardivement pour cette dernière). Les premières citées souffrent parfois de claquements intempestifs provenant d'un jeu prononcé au niveau de l'arbre principal. Une réfection localisée peut heureusement être envisagée sur ce type de boîte.
La boîte Getrag peut également s'user avant terme en cas d'utilisation trop brutale. Si tel est le cas, il faut alors envisager de tout changer, à un prix évidemment dissuasif... Attention également à l'état du différentiel. Des accélérations brutales trop souvent répétées sur les rapports inférieurs auront pour effet d'altérer singulièrement sa longévité. A noter enfin qu'une boîte automatique ZF à 3 ou 4 rapports a également été proposée en option sur cette série. Fort peu demandée, cette transmission ne présente aucun vice particulier à l'usage si l'on a à coeur de la manipuler avec un minimum de doigté.
Carrosserie / finition
Carrosserie/structure
Les premières Biturbo (jusqu'en 1985/86) sont réputées sensibles à la corrosion. Points névralgiques : les montants de pare-brise et entourages de lunette arrière, les jointures d'ailes avant et leur partie inférieure, les passages de roue et bas de portière. Au fil des ans, la protection anticorrosion a été de mieux en mieux assurée en usine et de nombreux exemplaires ont encore belle allure en apparence, la qualité des peintures ayant également progressé avec le temps. S'agissant d'une conception autoporteuse, vérifiez attentivement l'état des soubassements et des planchers (notamment sur les Spyders Zagato qui peuvent souffrir de problèmes d'étanchéité avec l'âge), ainsi que les fixations des trains roulants et leur absence de jeu.
Finition/accessoires
Sur les Maserati Biturbo, les défaillances du système électrique sont aussi fréquentes qu'exaspérantes. Elles concernent autant le fonctionnement des optiques que celui des accessoires de bord (éclairages intérieurs, commande de vitres, cadrans, etc.). Ces dysfonctionnements proviennent le plus souvent des circuits imprimés montés de façon très "empirique" et qui génèrent souvent de faux contacts dévastateurs. A chaud, la remise en route apparaît parfois laborieuse quand elle n'est pas tout simplement impossible. Phénomène normal sur une Biturbo, même bien entretenue : sous le capot, il fait toujours très chaud et les circuits électriques souffrent directement de la température élevée dispensée par les deux turbos.
Si la finition intérieure est plutôt valorisante, la tenue dans le temps des garnitures d'habillage dépend beaucoup de l'usage auquel on les soumet. Les boiseries peuvent souffrir d'une exposition prolongée au soleil de même que les garnitures en Alcantara qui ont tendance à se décolorer avec le temps. En règle générale, les accessoires et éléments de finition sont assez chers à remplacer et mieux vaut, par principe, privilégier un exemplaire doté d'un habitacle bien préservé.
La Biturbo en chiffres
La cote de Motorlegend
(valeurs s'appliquant à des exemplaires en excellent état général et conformes à l'origine)
- Biturbo 2 l et 2,5 l (18 soupapes) 2 portes : 5/7000 €
- S 2 portes : 7500/8500 € (selon année)
- 425 berline : 4500/6000 €
- Spyder Zagato : 9000 à 15000 € selon version et millésime
- Biturbo Si : 8000/9500 € selon année 420 Si berline : 7000/8500 €
- 430 berline : 7000/8500 €
- 430 coupé Karif : 12 000 €
- 222 : 7500/9000 €
- 422 : 7500/9000 €
- 2.24 V : 8000/12 000 €
- 4.24 V : 8000/11 000 €
Evolution de la série
- 1981 Biturbo 2 litres : V6, 2 litres, 2 ACT, 18 soupapes, 180 ch DIN, 215 km/h.
- 1983 Biturbo S avec échangeurs air-air et prises Naca. 205 ch DIN, 220 km/h.
- 1984 Nouvelle berline 4 portes 425 : V6 2,5 l, 200 ch DIN, 215 km/h.
- Nouveau spyder Zagato avec V6 2 l ou 2,5 l.
- Nouveau coupé 228 avec V6 2,8 l, 255 ch DIN, turbos refroidis par eau, 240 km/h.
- 1985 Nouvelle calandre sur Biturbo II et Biturbo II S.
- Version 4 portes 420 2 litres pour marché italien.
- 1986 Nouvelle version SI avec injection électronique : 2 l, 220 ch DIN ou 2,8 l. 225 ou 235 km/h
- 1987 Berline et coupé 430 (Karif) avec V6 2,8 l. 250 ch, 240 km/H.
- 1988 Nouvelles version 2.24 avec 4 soupapes par cylindre : 245 ch, 230 km/h.
- Gamme avec nouvelle désignation : 222 et 422 sur modèles à 3 soupapes par cylindre.
- Modifications esthétiques à l'avant et à l'arrière.
- 1989 Nouveau coupé Shamal avec V8 Biturbo 3,2 l. 270 km/h.
- 1990 Moteur V6 24 soupapes monté sur la berline.
- 1992 Nouvelle face avant avec optiques arrondis, nouvelle boîte Getrag.
- Lancement du coupé Ghibli : V6 2 l, 306 ch, 265 km/h ou V6 2,8 l, 280 ch, 260 km/h.
- 1993 Fin de production des Biturbo.
Prix des pièces (Quelques exemples indicatifs)
Turbo (pièce) : 1453€
Alternateur : 375€
Arbre à cames (pièce) : 380€
Réfection moteur : 7000/9000€ environ selon type Pare-brise : 375€
Optique avant : 335€
Capot moteur : 925€
(sources : réseau Maserati france)
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 19/08/2004, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.